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9 novembre 2001

Le sens de l'Etat ? (pouvoir et contre-pouvoir v.2)

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Le sens de l'Etat ?

(pouvoir et contre-pouvoir v.2)

notes du 9 novembre 2001

 

Comment être "résistant" en ne concevant la politique que comme l'exercice d'un contre-pouvoir, comme pure réactivité, en s'imaginant que le pouvoir, nécessairement et en tant que tel, pervertit l'homme (c'est d'ailleurs de là que je viens) ?

C'est une tradition marxiste, s'il en est, originée dans la conception protestante de la religion : de la même façon que chaque homme doit devenir son propre prêtre et que la médiation de l'institution Eglise doit disparaître, Marx conçoit la "vraie" démocratie comme le régime dans lequel chaque homme devrait devenir son propre policier, son propre gouvernant, dans une pure autonomie sans tutelle (sans maîtres non plus, ce qui rend Marx bien plus proche de Bakounine que ce dernier ne le disait), tout en visant, à terme, après la nécessaire et transitoire dictature du prolétariat, l'extinction naturelle de l'Etat dans une société sans classe.

C'est particulièrement manifeste - sans jeu de mots - dans sa Critique des principes de la philosophie du droit de Hegel, un philosophe qui justement voyait dans l'Etat la réalisation, l'accomplissement, la "relève" ou le surmontement de la société civile qui sans cela reste l'impitoyable sphère des pulsions égoïstes. "Dans la vraie démocratie, l'Etat politique disparaîtrait...", disait Marx. Comme si l'Etat, cette "abstraction" selon le même penseur, comme si toute institution était pernicieuse, alors même qu'elle est le cadre qui permet à l'homme de grandir, de devenir meilleur que lui, à condition qu'elle soit judicieusement construite (c'est l'objectif d'une assemblée constituante), pour tout dire républicaine. Car, bien évidemment, une Institution est avant tout un outil qui comme tel peut servir au meilleur comme au pire. Parfois aux deux. A sa suite, Lénine lecteur de Marx, ne verra dans l'Etat qu'un pur organe répressif, une entrave à la liberté de l'individu. C'est faire fi du citoyen, cet individu construit, conscient de soi comme projection vers une conscience collective élargie, et exigent dans ses droits, mais respectueux de ses devoirs.

"Nous sommes faits pour être un grand peuple, écrivait de Gaulle dans une lettre du 17 juillet 1956, même quand nous nous renions nous-mêmes. La déception de nombre de Français à l'égard d'une France faible et médiocre les porte à s'en détourner (communistes, Chateaubriand-Brasillach, partisans de l'Europe des Six). C'est l'Etat qui a fait la France, on peut dire malgré - bien qu'avec - les Français, en leur donnant une ambition et une fierté commune. L'absence d'Etat défait la France."

L'Etat n'est que le côté pile de la face du Peuple. Mais l'Etat pour le Peuple, pour la Nation (au sens de 1789, comme communauté de citoyens indépendamment de leurs origines et de leurs convictions).

"En France, la gauche trahit l'Etat et la droite trahit la Nation", tonnait aussi le Général. D'où la nécessaire dialectique du Peuple et de l'Etat que doit incarner la politique. C'est tout sa difficulté, mais aussi toute sa grandeur.

Faire de la politique aujourd'hui, au sens noble du terme, c'est entrer en résistance contre l'Occupation libérale de la globalisation, une occupation mentale tout autant que géographique, morale, etc. (à la différence majeure toutefois qu'il n'y a pas de Grand Timonier), résultant avant tout de nos faiblesses et de nos abandons successifs, et qui naturellement tend à la domination de tous les domaines de l'homme, corps et âme.

Comme arme de conquête, la publicité est, au-delà de l'incitation immédiate à la consommation compulsive, une stratégie de domination de l'espace mental. Elle est une création collective, au service du Marché. A plus grande échelle, c'est le mode de conquête de la globalisation, grâce à un lobbying constant des "puissances d'Argent" comme les nommait De Gaulle, au plus près des cercles de pouvoir.

Mais comment, dans ce contexte, faire comprendre qu'un "homme politique" (c'est-à-dire un citoyen qui franchit le pas de l'action collective en se soumettant au suffrage et qui se dévoie hélas souvent en "politicien" en perdant le sens des principes) lorsqu'il devient "homme d'Etat" n'est pas nécessirement conduit comme par une "loi" psychologique à devenir l'ennemi du Peuple. Cete idéologie, loin d'être révolutionnaire, est bel et bien réactionnaire (purement réactive, mais aussi rétrograde), et loin de nous porter aux nues de la résistance réelle, celle qui s'oriente tout entière vers la reconquête du pouvoir, elle nous traîne sur la pente facile de l'histoire, celle justement de la globalisation, comme délitement des cadres républicains.

Le libéralisme globalisé (qui n'a que peu à voir avec le libéralisme de l'humaniste qui défend la libération humaine et la société de droit), celui du commerce über alles et de la finance devenue folle, est littéralement une contre-culture, en ce que son modèle est la Nature, mais aussi en ce que, à rebours, la sublimation (cet autre nom de la culture) qui nous porte vers la "vertu" (au sens grec de l'arétè, l'excellence) produit le contraire de l'homme libéral, de l'individu libéré de tout, des tabous, des principes, des devoirs, des règles. Ce contraire, c'est le citoyen.

La culture, qui est soin, attention, souci pour l'Histoire, ce sol qui nous nourrit, versus la Consommation frénétique qui se consumme à l'éternel présent, l'anéantissement sans fin, le vide sanctifié. Consommer, consummer, c'est littéralement la destruction par l'usage.

Ne devenons pas les consommateurs de Savoir, les consommateurs de Livres, les consommateurs de Culture... que l'on nous somme de devenir.

La culture libertaire du marché est une anti-culture. Elle transforme le monde en un immense produit de digestion.

 

NB : pour la note v.1, cliquer ici.

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