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20 août 2011

Chevènement 2002

Une échappée ratée…

PRepLe 4 septembre 2001, date symbolique s’il en est (proclamation de la IIIème République par Léon Gambetta le 4 septembre 1870 – proclamation de la Vème par Charles de Gaulle le 4 septembre 1958), Jean-Pierre Chevènement fait partie des premiers candidats à se déclarer officiellement pour les présidentielles de 2002. Une campagne qui va l’opposer au président sortant Jacques Chirac et à son premier ministre de cohabitation Lionel Jospin. Une candidature justifiée par l’intéressé du fait de l’absence de souffle et de vision stratégique dans les programmes des partis du système. Pendant plusieurs mois, Chevènement a fait figure de troisième homme, celui que l’on n’attendait pas, allant même jusqu’à tutoyer « Chirospin » dans les sondages, avant de s’effondrer dans la dernière ligne droite, au profit de l’abstention et du vote protestataire. Qu’on l’ait soutenu (comme moi) ou non, de près (comme moi) ou non, il paraît indispensable d’en tirer les leçons pour parvenir à s’affranchir des illusions paralysantes de l’UMPS. Que l’on ait été d’accord ou non (comme moi) avec lui, le même travail est à réaliser pour « Bayrou 2007 », parvenu à concrétiser 19% au premier tour, sans arriver à détrôner les deux « grands » candidats (dont les scores ont toutefois été « petits » au regard de l’abstention).

 

Les atouts du « Che »Un très bon programme de gouvernement qui a souvent convaincu (le plus argumenté, et qui conserve toujours son actualité, confirmé par les plus ou moins récentes crises financières, économiques, sociales et politiques), de très bonnes analyses circonstancielles enracinées dans une vision cohérente de l’Histoire, la solide expérience d’un candidat plusieurs fois ministres, les faits d’arme précédents (courageuse opposition au tournant de la rigueur en 1983, à la première guerre du golfe en 1991, à la négociation avec les autonomistes minoritaires de Corse en 1999), une bonne stratégie appelant à un « Pôle Républicain » (« au-delà de la droite et de la gauche, il y a la République », discours fondateur de Vincennes du 9 septembre 2001) permettant de se poser en rassembleur, au-delà du seul MDC (le Mouvement des Citoyens, fondé par Chevènement en 1993, après la rupture définitive avec le PS de Mitterrand).

 

MAIS CELA N’A PAS SUFFI. POURQUOI ?

Des obstacles médiatiques – Démarrée publiquement en septembre 2001, la campagne a été dure. Il est difficile en quelques mois de convaincre des électeurs et en même temps de réorganiser un parti. La seule solution était de créer une dynamique de nature à faire « turbuler le système » et les repères (courant d’air, appel d’air…).

En face, deux grosses machines de guerres électorales, rodées aux enjeux présidentiels, et surtout dotées de financements conséquents : le PS et le RPR. Durant la moitié de la campagne, le phénomène « JPC » a fait couler beaucoup d’encre, et s’est affiché sur de nombreuses « Unes ». Quand il s’est approché des 20% des deux autres mastodontes, quand il a donc réellement commencé à inquiéter l’oligarchie en place, les attaques se sont faites très dures, la calomnie a déroulé son tapis. C’eût été le moment critique où donner une nouvelle charge offensive, poser de nouvelles cartes. Le temps de parole médiatique s’est toutefois réduit comme peau de chagrin au fur et à mesure de l’entrée en lice des candidats UMP-PS qui ont fini par accaparer la majeure partie de l’espace médiatique (malgré les règles officielles qui laissent tout de même une marge de manœuvre non négligeable aux candidats hors système bipartisan, contrairement à des pays comme les Etats-Unis où il est purement et simplement impossible de faire campagne sans être estampillé par l’ « establishment »).

 

Néanmoins, si les raisons externes objectives de l’échec ne manquent pas, les plus grands obstacles sont venus du candidat et de son entourage.

Des freins internes – Partout en France, les comités locaux, tenus par des membres du MDC « canal historique », ont souvent été des freins à la campagne : difficultés à accepter l’ouverture au-delà de la gauche / difficultés à accepter l’arrivée de nombreuses têtes nouvelles (jeunes et moins jeunes), venues d’horizons différents (y compris de nombreuses personnes jamais politisées jusque-là) / aussi, paradoxalement, peur de gagner, avec le risque de se retrouver avec des responsabilités plus sérieuses, là où les bonnes consciences républicaines se contentaient d’une cotisation en pointant de temps en temps à une réunion où l’on refaisait le monde et où l’on gémissait ensemble, avec parfois de rares actions de terrain (tractage dans un quartier sensible, histoire de vivre quelques émotions fortes). On a ainsi pu voir sur tout le territoire de vieux militants, n’acceptant pas que de fraîches recrues viennent comme leur « manger le pain sur la tête », freiner des quatre fers et plus ou moins saboter des initiatives locales.

Une solitude au sommet – JPC, ayant eu du mal à déléguer ou à trouver des seconds couteaux à envoyer au « front », a fini par apparaître seul dans les médias, et sur tous les fronts en même temps. D’où un épuisement du candidat, un essoufflement de la campagne, mais aussi et surtout une perte de crédibilité face aux électeurs. Apparaissant comme n’ayant pas les moyens humains de ce qu’il annonce, le « Che » est devenu un simple candidat protestataire. Or pour protester, et donner un coup de pied dans la fourmilière, il y avait bien mieux (l’épouvantail Le Pen pour ne pas le nommer).

Une stratégie de cabinet fantôme à l’anglaise aurait dû pallier à cette difficulté majeure en désignant par avance, aux médias et aux citoyens (qui ne doivent pas être pris pour des « buses » sur ce sujet), des « figures » capables de prendre en main tel ou tel dossier, pour prouver la capacité du candidat à gouverner. C’est une question de crédibilité.

Dans la même logique, la campagne des législatives aurait dû démarrer bien avant les présidentielles. Un député, ce n’est pas un élu local, c’est avant tout un élu de la Nation qui a pour mission de voter la Loi, identique pour tous d’un bout à l’autre du territoire. Sans majorité parlementaire, quelle que soit sa détermination, un président est « à poil ». Il fallait pour cela investir des candidats putatifs dont les têtes devaient commencer à apparaître sur la place publique comme les relais locaux du candidat. Certes, la présidentielle en France reste la rencontre d’un Peuple et d’un homme (ou plutôt d’un projet incarné par un homme), et ce système nous permet d’avoir l’espoir un jour de rompre avec la logique bipartisane d’un PS et d’une UMP largement essoufflés. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut s’imaginer que les législatives sont négligeables et que le souffle de la présidentielle suffira à faire émerger des têtes… Quand on connaît la propension de certains pontes établis à virer de bord en fonction du vent, il y a toujours le (gros) risque de repartir avec les mêmes qui ont précisément conduit à l’échec.

L’intendance négligée – Fort de ses principes, de ses capacités théoriques (au point que nombreux sont ceux, y compris en interne, qui lui ont reproché d’avoir mené une campagne pour Bac+4), Jean-Pierre Chevènement a eu tendance à négliger la « tambouille » organisationnelle, ce qui a induit de nombreux désordres en interne et une inefficacité relative des comités locaux, mais aussi des instances nationales. Or un candidat n’est rien sans ses troupes et un parti n’est rien sans un cadre clair et cohérent et sans dynamique interne. Un candidat à la présidentielle est bon gré mal gré comptable de sa capacité à structurer personnellement son mouvement, qui renvoie une image de ses capacités à gérer un gouvernement, et plus largement la France. Une élection se fait sur trois niveaux : la politique (les idées, le programme…) ; le pouvoir (les relations humaines, les coups tordus, les anticipations…) ; l’intendance (la structure, l’organisation, la dynamique collective…) qui ne fait pas que suivre spontanément.

Un positionnement ambigu – La campagne de JPC est restée entachée d’ambiguïté, du fait d’une double stratégie qui s’est révélée (on ne peut plus textuellement) dans les bilans d’après campagne. En même temps que le candidat soutenait qu’« au-dessus de la droite et de la gauche, il y a la République » et renvoyait dos à dos les deux principaux candidats « Jorac et Chirospin » dans le blanc bonnet de l’UMPS, il envisageait parallèlement en cas d’échec de devenir la deuxième force de la gauche plurielle derrière le PS. La rupture avec le PS n’a donc jamais été définitive, et derrière la posture publique du candidat, s’annonçait le retour au bercail supputé par de très nombreux citoyens durant la campagne.

Il est vrai qu’en cas de second tour JPC/Jospin ou JPC/Chirac, le candidat du Pôle Républicain avait toutes les chances de l’emporter. Il est vrai aussi que, de fait, le Pôle Républicain, avec 5,3% des voix (on est loin des sondages à 19%) s’est finalement placé derrière le PS, mais devant les Communistes ainsi que devant les Ecologistes (tout juste). L’hypothèse basse (mais non dite et contradictoire avec la posture de campagne) était atteinte… Sauf que… sauf que le candidat Jospin a explosé en vol et c’est le trublion Le Pen qui s’est retrouvé au second tour. A qui la honte ?

Le retour au « bercail » et la neutralisation de l’opération – Au final, le retour précipité au bercail, exprimé le soir du premier tour sur un plateau de TV aux côtés de Martine Aubry (pour tenter de sauver par une alliance avec le PS les quelques députés MDC qui ont fait chauffer le téléphone de leur poulain dès lors que cela sentait le roussi, juste avant l’annonce officielle des résultats), a tué dans l’œuf toute possibilité de retour en 2007. Retour qui aurait été crédible si Chevènement avait accepté l’idée d’une « traversée du désert », durant laquelle il aurait capitalisé la haute teneur de son programme.

Réponse négative (et éminemment prévisible) du PS à cet appel de pied, ce qui a fini de couler le Pôle Républicain (scores calamiteux aux législatives, certes dans l’ombre de la présidentielle depuis cette réforme du quinquennat qui a grandement dénaturé et déséquilibré les institutions de la Vème). Cerise sur la pâtisserie (à la crème de mauvaise foi… mais de bonne guerre) : les déclarations du PS qui ont mis sur le dos de JPC la responsabilité de l’échec de Jospin. Comme si le meilleur ennemi de Jospin n’avait pas été Jospin lui-même (sa politique et sa campagne).

Aboutissement de l’affaire : JPC, à la tête du MRC (Mouvement Républicain et Citoyen, un nouveau MDC), a retrouvé la ligne politique qu’il avait suivi depuis la rupture de 1991 : celle de la stratégie de la minorité influente, aux côtés des éléphants du PS dont il cherche toujours à réorienter le discours dans le sens des valeurs républicaines (et il n’a pas été pour peu dans un certain nombre de discours de la candidate Ségolène Royal en 2006-2007).

Les acquis – Aujourd’hui le sénateur Chevènement mérite toujours autant d’être écouté dans ses analyses (notamment son dernier ouvrage : La France est-elle finie ?). Son Think tank à la française (la fondation Res publica) est une source d’informations et d’analyses de haute tenue pour tout candidat républicain digne de ce nom. Le discours de Vincennes, le programme du Pôle Républicain de 2001-2002, sont autant de matrices dont il faut continuer à s’inspirer dans le cadre du front républicain toujours à construire, tout comme d’autres personnalités qui dénotent, où qu'elles soient sur l'échiquier, plutôt à gauche comme Hubert Védrine, Arnaud Montebourg, Jean-Luc Mélenchon, ou à droite comme Dominique de Villepin.

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