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22 février 2013

La joie des autonomistes

Collectivité Territoriale d'Alsace – Referendum du 7 avril 2013

 

La joie des autonomistes

 

  (mise à jour du 6 mars)

Les premières opérations de communication massive, concernant les évolutions institutionnelles de l'Alsace (donc de la France) et la consultation référendaire du 7 avril, ont été menées par des groupes d'autonomistes alsaciens (ultra-minoritaires en Alsace). Sous les applaudissements de leurs homologues et partenaires politiques d'Alsace, de France et de Navarre. Un engouement qui oblige forcément à se questionner, et notamment les initiateurs du projet, afin d'éviter des ambiguïtés qui risqueraient de provoquer de nouvelles fractures entre Alsaciens, et au-delà. Tour d'horizon en images (cliquer sur les documents pour agrandir).

 

unsri-heimet-CTA

Quitte à en faire la publicité, on ne peut qu'inciter l'électeur alsacien à visiter les publications et commentaires des trois principales officines autonomistes alsaciennes, diversement placées sur l'échiquier politique (l'association Unsri Heimet et les partis politiques Unser Land et Alsace d'Abord), afin de prendre la mesure des vieilles lubies ethnicistes et autonomistes qui sont en train de déferler sur la toile et sur les murs, à la faveur du "référendum" du 7 avril prochain sur la Collectivité Territoriale d'Alsace. Et de constater quelques liens tangibles existant avec certains partisans du projet, notamment des élus régionaux ou départementaux.

 

Unsri Heimet : "se tourner vers l'autre rive"

 

Ainsi, la page facebook de l'association Unsri Heimet ("notre petite patrie" ou "notre chez nous") vante les bienfaits de la collectivité territoriale d'Alsace. Pour elle, quel qu'en soit le contenu, c'est un pas vers le retour (fantasmatique) à la Germanie primitive.

 

Christian-Chaton

 

Là où Charles Buttner, président du Conseil Général du Haut-Rhin, se contente d'affirmer que "l'avenir de l'Alsace, le destin du Haut-Rhin doivent s'écrire dans l'espace trinational rhénan" (janvier 2013, magazine du CG68), le site internet d'Unsri Heimet était déjà allé un peu plus loin dans la formulation, à propos d'un projet de grande région Alsace-Lorraine avancé en 2009 par la commission Balladur : "le destin de notre petit pays [...] est européen, tourné durablement vers l'autre rive du Rhin et non derrière les Vosges".

 

Anecdotique ? Pas tant que ça, car dans leur sillage, le conseiller général UMP Christian Chaton (Haut-Rhin), partisan lui aussi de la Collectivité Territoriale d'Alsace, relaie bille en tête la campagne d'affichage d'Unsri Heimet sur son compte facebook (voir document ci-dessus), lui qui affirmait déjà dans une interview de 2007 : "je me sens de moins en moins national. Voire plus du tout..."

 

unsri-heimet-CTA-3

Si l'on y regarde d'un peu plus près (document ci-contre), on trouvera, dans les affinités affichées d'Unsri Heimet, une officine assez particulière, la FUEV : la Föderalistische Union Europäischer Volksgruppen, c'est-à-dire l'Union fédéraliste des communautés ethniques européennes. Là non plus, ce n'est pas anodin.

 

Cette ONG, habile en lobbying, qui a obtenu en 1989 un statut consultatif auprès du Conseil de l’Europe et, depuis 1995, auprès de l’ONU, considère que l'Alsace comprend "un pourcentage élevé d'immigrants, principalement des Français de l'intérieur" aux côtés d'Alsaciens de souche dont les origines remonteraient "à des tribus germaniques du Vème siècle" (Manuel des communautés ethniques européennes, 1ère édition, FUEV, 1970. Cité par Hans-Rüdiger Minow et Walter von Goldenbach dans Von krieg zu krieg, 2002). Un délire ethniciste vis-à-vis duquel il s'agirait d'être au clair dans le débat, sans l'esquiver, et encore moins en l'abondant.

 

Unser Land : "une chance historique" 

 

Tournons-nous vers Unser Land, cet allié houleux d'Europe Ecologie Les Verts (entre autres, lors des régionales de 2010), qui se considère plutôt comme appartenant au centre-gauche de l'échiquier politique. Quelle est sa position sur la nouvelle Collectivité ?

 

Unser-Land-et-RPS

Né en 2009 de la fusion de l'Union du Peuple Alsacien (qui prônait l'instauration d'une "fête nationale alsacienne" célébrant un événement de 1911, lors de la première annexion allemande) et de Fer's Elsass (défenseur d'un bilinguisme franco-allemand généralisé et obligatoire dans les écoles et dans l'administration), sous les auspices de François Alfonsi, euro-député Europe Ecologie et membre du parti de la Nation Corse, ce parti "autonomiste et séparatiste" se réjouit lui aussi du projet de Collectivité Territoriale d'Alsace, parce qu' enfin "les Alsaciens voteront sans le reste de la France" ! C'est ce qu'affirme sa présidente Andrée Muchenbach, ex-conseillère générale écologiste puis Modem, dans son communiqué pour le oui, ajoutant que "l’essentiel est que, désormais, les décisions soient prises en Alsace" . Il s'agirait rien moins que de "libérer l’Alsace" grâce à cette "chance historique", afin d'obtenir notamment "un transfert de compétences vers le Conseil d’Alsace, notamment pour l’enseignement de l’allemand, langue régionale" (en tant que "version écrite" de l'alsacien, ce dialecte oral). Un "premier pas" vers une "Europe des Régions [...] plus respectueuse des biodiversités, y compris culturelles". Une politique fondée sur la Nature...

 

fr-carte-grand_format

A noter encore qu'Unser Land est membre de la Fédération Régions et Peuples Solidaires (membre fondateur d'Europe Ecologie en 2009), réunissant de nombreux partis autonomistes de France, et de l'Alliance Libre Européenne, son homologue au niveau européen, qui défendent toutes deux l'Alsace, cette "nation sans Etat", ce "peuple" sous domination française, qui doit s'affranchir de la France pour se fondre dans un "espace rhénan" plus "naturel", autrement nommé "Région du Rhin Supérieur" (Gau Oberrhein en allemand). Il faut consulter les incroyables cartes publiées sur leurs pages d'accueil, qui présentent une France purement et simplement démembrée. Ou lire les propos d'Eva Joly à l'Université d'été de Régions et Peuples Solidaires en 2011 (discours intégral ici). Ou encore cliquer sur la carte ci-dessus, publiée en 2002 dans le cadre du Parlement Européen, par le groupe Les Verts/Alliance libre européenne (dont on reconnaîtra le logo en haut à gauche) en soutien à "29 nations et régions sans Etat" (dont l'Alsace).

 

En comparant toutes ces affirmations avec le document diffusé par les Conseils Généraux des deux départements alsaciens, où le mot France n'a même pas une seule fois sa place, on ne peut que s'inquiéter.

 

Alsace d'abord : "la condition du redressement de notre région"

 

Autre cas, celui d' Alsace d'Abord, parti politique "régionaliste et identitaire", dont le président Jacques Cordonnier appelle à voter oui à la Collectivité Territoriale d'Alsace, "unis face à Paris", dans une tribune publiée récemment.

Alsace-d-Abord-oui

 

On y retrouve les arguments classiques (il faut y croire) : les économies et l'efficacité ("mieux, plus vite et moins cher que l'Etat"), la proximité ("pouvoir trouver près de son domicile un élu avec qui discuter"!).

 

Ou encore, dans une autre publication du même auteur, les compétences en affaires étrangères ("l’Alsace [...] pourra traiter d’égal à égal avec ses voisins suisses et badois"), ainsi que le chantage à la catastrophe : une "chance qui ne se représentera pas avant des dizaines d’années", "condition du redressement de notre région". Rien que ça.

 

Quant à leurs alliés politiques de Jeune Alsace, fondé en 2006, qui déclare explicitement combattre la France, considérée comme l'"ennemie", c'est "JA" (comme on peut le voir sur leur page facebook). Ce mouvement "alsacien et européen" de la jeunesse identitaire affiche aussi ses liens avec Unsri Heimet, officine citée ci-dessus. On pourra notamment analyser la symbolique, à peine ambigüe, développée sur l'affiche ci-contre et publiée sur leur blog à l'occasion de voeux de nouvel an (cliquez pour agrandir).

Jeune-Alsace-2011

 

Vu de Bretagne

 Prenons encore un exemple parmi d'autres, ailleurs qu'en Alsace. Selon un titre de l'agence Bretagne presse, grâce à cette "petite révolution", accompagnée par le gouvernement, dans le cadre de "la phase 3 de la régionalisation", "l'Alsace va ressembler à un land" : elle "deviendra le premier land de l'hexagone montrant la voie de la simplification administrative à toutes les autres régions". Il est douteux que ce soit bien le souhait des Français, même si c'est le rêve des séparatistes et régionalistes d'où qu'ils soient.

 

Pouvoir législatif, gouvernement d'Alsace... le flou qui jette le doute

 

La consultation publique du 7 avril n'est pas à proprement parler un référendum, puisqu'elle n'aura pas de valeur décisionnelle (d'où le flou des textes). Selon la loi, la fusion de départements et de régions ne peut se faire qu'à compétences égales. Alors pourquoi nos responsables politiques n'insistent-ils pas là-dessus au lieu de diffuser une notice d'information officielle dans laquelle il est annoncé que la nouvelle Collectivité aura des compétences supplémentaires (en matière économique, éducative, etc.), laissant ainsi libre court aux fantasmes des autonomistes ? Voudrait-on se servir de notre vote pour faire pression sur l'Etat, avec notre chèque en blanc (dans le cadre ou non de l'Acte III de la décentralisation), accréditant ces délires potentiellement dangereux ?

 

Le 6 octobre 2012, lors d'une réunion du "groupe projet", le président du conseil régional Philippe Richert se demandait si, dans la future collectivité, il fallait "séparer législatif et décisionnel", qualifiant à plusieurs reprises l'exécutif de "gouvernement d'Alsace". Législatif, exécutif, gouvernement : ces mots sont lourds de sens et ne tombent pas dans l'oreille de sourds. Quant à la mouture finale, proposée aux citoyens, elle découpe effectivement la Collectivité Territoriale en une "Assemblée d'Alsace" à Strasbourg et un "Conseil exécutif d'Alsace" à Colmar. On est symboliquement très loin de la simple fusion de structures.

 

Alors, certes la notice d'information qui sera distribuée au public indique qu'il s'agit de permettre à la nouvelle Collectivité "d'adapter l’action publique aux spécificités de l’Alsace, dans le respect des lois de la République". Outre que l'on aimerait savoir ce qu'il y a concrètement sous la formulation des "spécificités de l'Alsace", la notice ajoute aussitôt : "elle pourra, le cas échéant, recourir à l’expérimentation". On aimerait vraiment en connaître plus sur les intentions implicites. Car le droit à l'expérimentation, c'est justement le droit de déroger aux règles.

 

Et les dernières sorties en date de Philippe Richert, qui se déclare ouvertement  "régionaliste", n'ont rien pour rassurer : l'enjeu du projet, c'est de dépasser "un modèle national sclérosé, à l'heure de la compétition internationale entre les régions" (réunion pour le oui à Colmar le 5 mars dernier). Tout en se réclamant de la République, dans un double discours qui devient habituel.

 

Mais finalement, vouloir nous faire croire que plus de régionalisation ou plus d'autonomie, notamment financière, serait une solution "miracle" à tous les maux que nous subissons aujourd'hui (crise financière, économique, politique, sociale et morale), c'est ne pas vouloir voir en face les problèmes des pays fédéralistes en temps de crise, comme en Suisse ou en Allemagne. On peut même penser que c'est un remède pire que le mal.

 

 

Mathieu Lavarenne

Président du Cercle Républicain 68 Edouard Boeglin

Conseiller municipal indépendant

NB : Ci-dessous, une capture d'écran de la page facebook d'Unsri Heimet (cliquer pour agrandir).

 

 

UH-carte

 

 

 

 

 

 

PS (mise à jour de 2014) :  

Les cartes de l'ALE et de RPS ont récemment été retirées des sites. Il ne s'agit pas là d'un recul sur la doctrine, car le discours n'a pas changé. Voici pour mémoire ce qu'on pouvait encore voir sur la page d'accueil de la fédération RPS début 2014.

 

 

FRDPS-carte

 

 

Une autre carte plus récente sur le site de l'alliance libre européenne :

 

 

efa-carte-unser-land

 

efa-u

 

 

 

 

 

Pour mémoire :

--> la carte de l'Alliance libre européenne datant de 1997 :

carteeuropeanradicalalliance

--> la carte de l'alliance libre européenne en 2004, avec le logo des Verts :

carte-europe-regions-Verts-ALE-2004

--> Une carte de 2014 de RPS (à noter que Unser Land et RPS considèrent que la langue de l'Alsace est l'allemand) :

32529_1

 

 

 

--> Sommaire

 

 

--> Vote du 22 septembre 2014 en Alsace : l'orage n'a pas fini de gronder (où l'on verra la trahison des élites à l'égard du suffrage populaire exprimé lors du référendum du 7 avril 2013)

 

--> Retour du Conseil Unique d'Alsace - Crise de légitimité et responsabilité politique (18 septembre 2014) - Où l'on verra combien nos élites semblent avoir perdu le sens de la démocratie et de la République. Que l'on ait voté pour ou contre en Alsace lors du referendum du 7 avril 2013, cela doit choquer. Et cela choquera. Les nuages continuent de s'amonceler à l'horizon, et il y a fort à craindre pour l'avenir. Elus, élues, le tonnerre gronde. Que ferez-vous ? Que ferons-nous ?

 

 

--> Suppression de la condition de referendum et retour du Conseil Unique d'Alsace (29 août 2014) - où l'on apprendra que dans le cadre de la loi sur la fusion des régions un amendement vise à supprimer la condition de referendum pour les fusions et modifications de collectivités territoriales. Et de voir les partisans de la Collectivité unique reprendre du poil de la bête...

 

 

 

L'analyse des résultats :

 

 

--> En Alsace, c’est  « non » ! (où l’on trouvera des éléments d’analyse pour comprendre les résultats du 7 avril 2013 et faire le bilan de la campagne référendaire).

 

 

 

 

D'autres articles sur ce blog :

 

 

--> Fusion des collectivités : restons vigilants ! (21 décembre 2013) - (où l'on apprendra que l'amendement visant la suppression de la condition de referendum pour la fusion de collectivités est certes supprimé, mais que le projet reviendra, comme les hirondelles, avec le printemps)

 

--> Eh bien non ! Ce sera oui quand même... (1er septembre 2013) - (où l'on verra que moins de trois mois après le non alsacien, un amendement était voté à l'assemblée pour supprimer la condition de referendum)

 

--> Après le 7 avril... 

 

--> Dix raisons de voter NON

 

--> La notice d'information "hors la loi" - pour quoi votera-t-on : un projet ou une fusion ?

 

--> Le schéma trompeur de la notice dite d'information

 

--> Le Non (censuré !?) de Bernard Notter, vice-président du Conseil général du Haut-Rhin !

 

--> La prudence avisée des Conseils de développement Mulhouse-Thur-Doller

 

--> Un projet précipité

 

--> Les médias qui protègent le "oui"

 

--> Le flop des réunions pour le "oui"

 

--> Menace sur les communes ! Où est la proximité ?

 

--> Appel au débat contradictoire : où sont passés les partisans du oui ?

 

--> Rien n'est joué d'avance... : la mobilisation sur internet sera cruciale

 

--> Le 7 avril : NON, pas l'abstention !

 

--> Sondage : le grand malentendu du "Oui"

 

--> Point de vue de l'historien Georges Bischoff : "ne pas se tromper d'Alsace" 

 

--> Ils diront non : les arguments de Constant Goerg, Jean Ueberschlag ou encore Pierre Freyburger

 

--> Conseil d'Alsace : des infographies pour mieux comprendre

 

--> Oui - Non : deux poids, deux mesures ?!? Lettre ouverte à la présidente de l'Université de Haute Alsace

 

--> Economies, êtes-vous bien là ?

 

--> Comprendre les enjeux du seuil de 25% des inscrits

 

--> L'Eurométropole ET le Conseil (pas unique) d'Alsace

 

--> L'oubli de la France !

 

--> Charles Buttner : ni économies, ni simplification, mais plus d'autonomie

 

--> Histoire et principes de la structure départementale

 

--> Referendum en Alsace : un chèque en blanc ?

 

--> CTA : le flou artistique !

 

--> Vers la suppression des 25%?

 

--> Comment transmuer le simple en complexe (et vice-versa)

 

--> Le referendum d'initiative locale : mise en perspective.

 

--> Pour un débat public responsable

 

--> La Collectivité Territoriale d'Alsace : LES DOCUMENTS.

 

--> Un Conseil pas Unique du tout : le Conseil Complexifié d'Alsace

 

--> La surenchère régionaliste en Alsace.

 

--> La tentation ethnique des Verts et le soutien du PS.

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