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29 mai 2015

29 mai 2005 - 29 mai 2015 : Perles à rebours

29 mai 2005 - 29 mai 2015

Perles à rebours

Le mensuel Bastille République Nations, qui est devenu depuis le mensuel Ruptures, a publié un numéro spécial 10 ans après le referendum du 29 mai 2005 qui a vu la défaite du Traité Constitutionnel Européen (TCE), contre lequel je m'étais inscrit.

J'y ai modestement contribué par une petite anthologie de perles prononcées par nos dirigeants, de droite comme de gauche.

 

BRN Perles LAVARENNE

Face à face, en ce printemps 2005 : des citoyens qui débattent ; et des dirigeants qui promettent, menacent… et paniquent. Car inexorablement, dans les sondages, le rejet de la constitution européenne monte. Partout, dans les chaumières, dans les bistrots de France et de Navarre, au boulot, dans le métro, même au dodo, on ne parle que de ça.

Il n’est pas inutile de rappeler ici quelques-unes des perles proférées par les artisans du Oui, qui se sentent de plus en plus à contre-courant. Les promesses, tout d’abord, celles-là même qu’on avait entendues en 1992, à propos du traité de Maëstricht. Mais cette fois, c’est juré : avec le TCE, on allait voir ce qu’on allait voir…

Dominique Strauss-Kahn : « Jamais un traité européen n’avait assigné à la construction européenne des objectifs aussi proches de ceux des socialistes » (Le Nouvel Observateur, 11/11/04).

Nicolas Sarkozy : « Les délocalisations, c’est l’Europe d’hier. Avec la nouvelle constitution, c’est fini les délocalisations ». A noter que le Commissaire européen à la politique régionale, à l’époque la Polonaise Danuta Hübner, se réjouissait au contraire pour son pays : « Ce que nous devons faire, c’est faciliter les délocalisations au sein de l’Europe » (interviewée par La Tribune, 11/02/05).

François Hollande : « Pour la première fois, le plein-emploi, l’économie sociale de marché, le développement durable sont des objectifs pour l’Europe » (France Inter, 14/03/05).

De son côté, Ernest-Antoine Seillière, alors président du Medef, éclaire les propos du futur chef de l’Etat : « La Constitution est un progrès pour une économie plus flexible, plus productive et pour un État allégé. Elle bénéficiera aux entreprises » (Université d'été du Medef, 2004).

Mais Jack Lang n’en démord pas : « C’est le plus progressiste de tous les traités européens jamais conclus. […] Ce traité est une arme pour faire avancer l’Europe sociale et la France sociale » (RTL, 24/03/05).

Pour l’emblématique ancien ministre de la Culture, le TCE n’est pas seulement une arme en faveur du progrès social : « Dire oui au traité, c’est plus que jamais dire à Bush que nous ne le laisserons pas faire. Dire non, c’est apporter un soutien de plus à ce fauteur de guerre, c’est déstabiliser l’Europe et donc faire le jeu de l’impérialisme américain » (cité par Libération du 05/11/04). Et de lâcher, en toute humilité : « Je souhaite qu’on fasse une Europe pour sauver le monde » (France 3, 26/04/05).

Côté UMP, Pierre Lellouche est sur la même longueur d’onde : « Si vous votez Non au référendum, on s’expose à un risque de guerre » (France 2, 26/04/05).

Puis, on passe des promesses aux menaces. Alain Minc avoue explicitement la stratégie de la terreur : « Je suis convaincu que la peur du gouffre finira par jouer et que le Oui passera » (Le Nouvel Économiste, 09/05/05).

L’apocalypse est également brandie par des « people », même si certains se prennent un peu les pieds dans le tapis, tel Johnny Hallyday : « Si le Non l'emporte, il y aura plein de gens qui quitteront la France. Je me sens européen, je suis bien partout en Europe : en Italie, en France, en Espagne, au Maroc » (France Info, 03/05/05).

La rage débouche parfois sur l’insulte. Pour Michel Rocard, le Non et ses partisans représentent « une pollution, une mystification et un mensonge, le choix du néant, une piscine sans eau, de l'agitation d'analphabètes » (Le Journal du dimanche cité par Marianne, 19/02/05).

Et Martine Aubry d’évoquer les fantômes d’un redoutable passé : Le Non, « c’est du populisme, c’est ce qui a conduit l’Italie d’autrefois à ce que l’on sait ». La palme revient à Jean-Marie Cavada, qui ose : « Ceux qui font la fine bouche devant la Constitution européenne devraient avoir en mémoire les photos d'Auschwitz » (congrès de l'UDF, 22/01/05).

Au même moment, les jeunes de l’UDF, précisément, jouaient d’un tout autre registre, en collant des affiches où l’on pouvait lire : « l’Europe vous fera jouir ». Le prix de l’humour était cependant revenu à Jean-Pierre Raffarin qui s’écria : « Soyez rebelle ! Dites oui à l'Europe ! ».

« Incompréhensible pour le public »

Le verdict populaire rendu, les classes dirigeantes ne s’avouèrent nullement battues. Deux jours avant le scrutin, Valéry Giscard d'Estaing, le « père » de la Constitution, annonçait du reste la couleur : « Si un pays ou un autre dit Non, ça ne doit pas arrêter les procédures des autres. Ceux qui n'ont pas voté la Constitution, on leur demandera de revoter. Il n'y a pas d'autre solution » (Reuters, 27/05/05).

En réalité, un second vote aurait tourné à la Berezina. C’est donc un nouveau texte, le Traité de Lisbonne, qui vint se substituer à la défunte constitution (lire ci-dessus), et qui entra subrepticement en vigueur par voie parlementaire. La réalité de la manœuvre fut détaillée par VGE lui-même : « Le traité de Lisbonne est donc un catalogue d’amendements. Il est incompréhensible pour le public. Les propositions originelles du traité constitutionnel sont pratiquement inchangées. Elles ont simplement été dispersées dans les anciens traités sous la forme d’amendements. [...] Pourquoi ce changement subtil ? Avant tout pour éloigner toute menace de referendums en évitant de recourir à une quelconque forme de vocabulaire constitutionnel » (The Independant, 30/10/07). Difficile d’être plus clair.

De son côté, Jean-Claude Juncker, futur président de la Commission européenne, à l’époque Premier ministre du Luxembourg, était également en veine de confidences : « Bien entendu, il y aura des transferts de souveraineté. Mais serais-je intelligent d’attirer l’attention du public sur ce fait ? » (Telegraph, 03/07/07).

Pas démocratique, l’absence de consultation populaire ? Celui qui était alors à la tête de l’exécutif européen, José Manuel Barroso, réplique avec candeur : « Si on avait organisé un référendum sur la création de la Communauté européenne, ou sur l’euro, vous croyez vraiment que ce serait passé ? » (Daily Telegraph, 14/11/07). On ne lui fait pas dire.

   MATHIEU LAVARENNE

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