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12 mars 2023

LETTRE OUVERTE aux PARLEMENTAIRES sur la réforme des retraites

LETTRE OUVERTE aux PARLEMENTAIRES sur la réforme des retraites.

Lettre ouverte aux parlementaires sur la réforme des retraites 2023

Mesdames, Messieurs les élu(e)s de la République,
 
Si je vous écris, c’est parce que les conséquences de ces profondes fractures qui se creusent dans notre pays doivent nous inquiéter, au sortir de plusieurs décennies de crises financières, économiques, sociales, politiques, sanitaires, alors qu'il aurait besoin de se réunir, plutôt que de voir ses dirigeants souffler sur les braises de la discorde.
Le gouvernement annonce qu'il veut “sauver” le système de retraite par répartition. Son porte-parole clame quant à lui que c'est cette réforme ou bien la “faillite”. Une telle dramatisation n’est pas digne du débat public.
 
1. Le système n'est pas véritablement en danger : il est bénéficiaire cette année (+3 milliards) et pourrait être légèrement déficitaire durant quelques années (10 à 12 milliards sur un budget de 340 milliards annuels, comparativement aux 1500 milliards de dépenses publiques annuelles de notre pays, en comptant budget de l'État, prestations sociales et collectivités locales), avec des projections très sérieuses de retour à l'équilibre d'ici que la réforme Borne sera appliquée.
 
2. Le taux d'emploi des seniors est faible. A la louche, après 55 ans, un actif sur deux passe au chômage et ne retrouve pas d'emploi... A moins de considérer que ce ne sont que de vulgaires feignants qui n'ont qu'à “traverser la rue pour trouver un job” ou bien téléphoner à Macron qui va s'occuper “personnellement” de leur cas, il y a un problème à vouloir repousser de deux ans l'âge de départ, qui plus est en même temps que la réforme de l'assurance chômage diminue de plusieurs mois la durée des indemnités. Cela ressemble davantage à une sorte d’étranglement financier... L’argument d’Elisabeth Borne ? Si on recule l'âge, cela pourrait inciter les patrons à garder leurs salariés plus longtemps. Cela a tout l’air d’un vœu pieu. Par ailleurs, la même Borne lorgne sur le modèle allemand où le taux d'emploi des seniors est effectivement plus élevé, mais au prix de petits boulots dégradés (voir les lois Hartz de la gauche allemande qui ont augmenté la précarité et le taux de pauvreté tout en permettant de se vanter de la baisse artificielle du chômage). C'est hélas ce modèle auquel tend notre gouvernement qui ne réconciliera pas les différentes couches de notre Nation.
 
3. L'objectif premier n'est donc pas de sauver rhétoriquement le régime par répartition, mais d'inciter à la capitalisation. Il convient en effet de se souvenir qu'à l'automne 2019, avant la réforme des retraites de 2020 (le système à points était envisagé à ce moment), abandonnée pour cause de Covid, le gouvernement Macron, en toute discrétion, a créé le premier fonds de pension à la française, sous le nom ronflant de PER (plan épargne retraite). L'intention est bien là : nous faire basculer progressivement dans un régime où la capitalisation personnelle dans des institutions financières remplacera en grande partie le système par répartition actuel (où les retraités d'aujourd'hui sont financés par les actifs d'aujourd'hui). Les intérêts financiers sont énormes. Les lobbies comme Blackrock et tant d'autres sont à l'affût, s’ils n’ont pas déjà un pied dans la porte. Ce sont de gigantesques bulles spéculatives qui pourraient être ainsi créées. Avec les risques inhérents de la faillite qui a déjà mis tant de ménages sur le carreau aux Etats-Unis. Car c'est, entre autres, le modèle américain : on choisit son fonds de pension, et s'il coule un jour lors d'un scandale (comme Enron en 2001) ou lors d'une crise (comme celle des Subprimes en 2008), eh bien, tant pis pour soi, c'était une mauvaise mise, c'est la loi du marché. Et si tu veux pouvoir continuer à payer tes médicaments, tu n'as qu'à aller bosser. Notre modèle social fondé à la Libération à partir des propositions du Conseil National de la Résistance mérite mieux que cela. La vie d’un travailleur ne se joue pas au casino.
 
4. La bascule vers la capitalisation ne peut être que progressive sur plusieurs années. En effet, ce modèle par capitalisation, avec de puissants fonds de pensions (qui brassent des sommes tellement colossales qu'ils peuvent s'imposer aux pouvoirs publics et mettre des États à genou... sauf quand leurs représentants se sont déjà préalablement prosternés et mis en adoration comme semble l’être notre gouvernement de millionnaires : il n’est d’ailleurs pas question de reprocher l’existence de millionnaires en tant que telle mais de prendre en considération la dynamique en cours qui est celle du creusement exponentiel des inégalités), ce modèle, donc, n'est pas facile à mettre en place. On ne peut pas d'un coup demander aux actifs d'épargner pour leur retraite tout en leur demandant de continuer à payer les retraités. Sur un salaire brut, la cotisation vieillesse (la manipulation langagière fait passer cela pour des “charges”, c'est un autre mot, dépréciatif, pour désigner la même chose) est de l'ordre de 25 à 30%. Si on doit la multiplier par deux, ce n'est pas tenable. Seule solution : augmenter progressivement la part de la capitalisation en rognant progressivement sur les pensions issues de la répartition. L'estimation pour une telle bascule serait d'un minimum de 15 ans.
 
5. La logique est que la répartition doit tendre à une sorte de minima vital. C'est le principe libéral-socialiste de la couverture maladie universelle (CMU). Pour les très pauvres, une charité gouvernementale, pour les autres, les lois et les joies du marché (avec pour conséquence la mise en place d'une médecine et d'un hôpital à deux vitesses et la dégradation du service de base). A quand la couverture éducation universelle ? Un service public dégradé pour le menu fretin et des écoles privées de luxe pour les autres, avec le développement des prêts bancaires étudiants, comme aux USA. Nous n’en sommes plus si loin. Et la retraite par répartition est promise à la même logique si nous ne les arrêtons pas. La tendance est lourde. Ne soyons pas naïfs. Remarquons aussi les manipulation du langage qui tentent de faire passer une telle réforme pour positive, utilisant le merveilleux mot d’“universel” pour désigner et masquer une régression sociale (ces gens se pensent réellement progressistes, il faut le leur reconnaître, prêts à nous mentir au moins par omission, mais pour notre bien, même malgré nous). A noter que nos voisins européens ont pour la plupart un mixte entre répartition et capitalisation, où la capitalisation pèse parfois lourd sur les salaires (si tant est que les travailleurs puissent se le permettre).
 
6. Le principal effet de la réforme, ce sera de raboter les pensions. La réforme Borne n'emmènera probablement pas beaucoup plus de gens à 64 ans du côté de ceux qui ne seraient pas arrivés à 62 ans en activité. Beaucoup seront usés avant (pour rappel : presque 30% des hommes les plus pauvres sont décédés à 64 ans !) Le gouvernement cherche manifestement à faire des économies sur le dos des retraités pour financer d’autres projets (et en particulier les diminutions de cotisations patronales, notamment pour les grosses entreprises, les TPE et PME étant étranglées depuis longtemps par la supposée "mondialisation heureuse"). Mais au-delà de cela, le message aux citoyens est clair. Si vous voulez être responsables, alors, anticipez, ouvrez des plans d'épargne retraite, capitalisez... Le modèle est implicitement mais clairement incitatif.
 
7. Le fait que le financement de la solidarité nationale (retraites, chômage, santé) reste sur le fil est parfaitement assumé par les pouvoirs publics. Il est cocasse de voir des politiciens se plaindre d'un déficit des caisses de cotisations retraite, alors que ce sont les mêmes individus ou partis qui ont régulièrement mis en place des dispositifs de défiscalisation... Un exemple, le "travailler plus pour gagner plus" de Nicolas Sarkozy, qui consistait à exonérer de “charges” des heures supplémentaires... ce qui n'était rien de moins qu'une diminution du salaire brut. C'est aussi la logique des primes qui se sont multipliées dans moults domaines : un salaire comprend des cotisations sociales qui sont une partie conséquente de ce salaire. Se priver de ses cotisations, c'est se tirer une balle dans le pied, du moins c’est affaiblir les mécanismes de la solidarité. Contrairement à d'autres pays où chacun doit payer l'éducation de ses enfants, sa couverture maladie, ses assurances retraite et chômage sur la base d'un salaire net plus élevé, en France, nous avons la chance d'être prélevé à la source pour abonder des pots communs, face auxquels nous sommes à égalité. Diminuer ce que certains appellent des “charges”, en nous faisant passer cela pour un progrès, c'est en fait une façon d’organiser les déficits lesdits pots communs... Ceux-là même qui ont développé cette logique des primes et des exonérations de “charge” veulent désormais nous faire croire que le léger déficit dont ils sont responsables les oblige à aller plus loin dans la régression sociale, l'affaiblissement du système par répartition, et le développement de la logique spéculative dont on a pourtant déjà suffisamment pu voir les conséquences délétères et inégalitaires. Sans compter que par ailleurs, les aides publiques aux entreprises ne cessent d'augmenter pour atteindre entre 150 et 250 milliards d'euros (il en faut assurément, mais elles sont mal contrôlées surtout chez les grosses multinationales, et c'est un maquis de subventions, prêts, avances remboursables, exonérations de cotisations sociales, allègements fiscaux).
 
8. Et quel est le bilan des précédentes réformes des retraites ? Ne faudrait-il pas commencer par a minima faire l'inventaire de la réforme des retraites de 2010, celle où Sarkozy a marché sur la tête des Français, ainsi que celle de 2014 qui n’est même pas complètement efficiente (on pourrait même remonter à 1995) ? Le passage progressif de 60 à 62 ans a déjà provoqué l'augmentation de 150 % du nombre de seniors au RSA, post-chômage, de même que le développement massif des intérimaires (qui permettent de faire baisser artificiellement le chômage) et la logique de la sous-traitance ont clairement augmenté le nombre d’accidents du travail. Que faut-il faire ou dire pour ouvrir les yeux sur ces cruelles réalités ? Quelle société fabrique-t-on ?
 
9. La stratégie de manipulation des foules n'est pas même masquée, totalement décomplexée. On nous avait tout d’abord annoncé 65 ans... pour nous faire frémir, avant de baisser à 64 ans, comme pour faciliter l'avalage de pilule... dans une . Pire : il faut regarder le texte précis pour en juger, mais l'idée générale est qu'il était envisagé de proposer 65 ans en 2032, et finalement d'annoncer 64 ans en 2027... En gros, c'est la même chose : juste un effet d’annonce en se focalisant sur un autre moment du déploiement de cette réforme au long cours. Au fond, cela ressemble à de l'esbroufe complète. Comment peut-on avoir confiance en de tels illusionnistes qui votent de tels lois ? Ou bien en de simples petits soldats qui donnent leur voix parce que c’est la consigne du parti ! Nous ne sommes pas en régime soviétique ! C’est pourtant l’impression que donnent souvent nos parlements, à droite comme à gauche de l’échiquier, largement chamboulé ces dernières années.
 
10. Depuis 1980, la part de la richesse globale de notre pays (PIB) qui se dirige vers le travail, donc vers les salaires (et donc les cotisations), a perdu 10 points au profit de la part qui se dirige vers le capital (investissements, certes, mais aussi rémunérations des actionnaires, ces dernières ayant explosé). Sur une somme de 2500 milliards d'euros environ, cela fait 250 milliards en moins pour les salaires, par année budgétaire. Et proportionnellement autant de cotisations en moins, alors même que la productivité n'a cessé d'augmenter. Là aussi, c'est là le fruit de décisions politiques. Les Français n’en sont plus dupes. Et c’est pour cela que le fossé se creuse dangereusement.
 
11. Montrer patte blanche aux marchés financiers : autre objectif fondamental de cette réforme qui n'a lui non plus rien à voir avec la rengaine tristement mensongère "sauver le système par répartition". C'est Alain Minc lui-même qui l'a récemment dévoilé sur LCI. Actuellement, les taux d'intérêt pour la France sur les marchés ne sont “que” de 2,8% pour des prêts à 10 ans (sorte de cadeau concédé à E. Macron, ami des banquiers s’il en est, qui a déjà montré son savoir-faire en faveur des plus riches parmi les plus riches), soit 0,5% de plus que l'Allemagne considérée comme plus “vertueuse”. La menace et le chantage des Marchés sur lesquels la France finance ses dettes (essentiellement des banques d'affaires à la City de Londres et à Wall Street des fonds de pension US...), c'est que si la France veut rester sous les 3% et ne pas être contrainte de s'endetter entre 3,3 et 4,2% comme les Grecs, les Italiens ou les Espagnols, elle doit donner des "gages austéritaires" et montrer sa bonne volonté (soumission) en réformant les retraites, en augmentant la charge de travail sur ces fourmis françaises qui se rêvent en cigales retraitées. Autrement dit, le Parlement, sensé incarner la souveraineté du peuple, n'est en ce moment que la chambre d'enregistrement des exigences des Marchés financiers (et non directement de l'Union européenne bien que celle-ci soit parfaitement alignée sur le même modèle austéritaire, cette vieillotte politique des années 1990-2000, celles de la supposée “mondialisation bienheureuse” qui a largement démontré sa capacité à dégrader les services publics et à durcir le monde du travail, en creusant les inégalités et en délitant les services publics).
 
Nous devons tout faire pour que cette réforme ne passe pas, mettre des bâtons dans les roues de nos ingénieurs sociaux qui croient qu'un peuple, cela se manipule si facilement, en soufflant le chaud et le froid, c'est un amas de citoyens qu'il faut piloter avec une condescendante "pédagogie" (littéralement conduire un enfant par la main). C'est effectivement facile quand ce dernier est dans le brouillard. Mais il faut compter sur le syndrome de Dracula : quand ce dernier est mis en lumière, il meurt ou retourne sous sa dalle dans l'obscurité.
 
J'espère en tout cas avoir œuvré à la clarification des enjeux, et reste ouvert à toute précision, critique, argumentation, démolition en règle qui me prouverait que j'ai tort (j'adore avoir tort), dans ma tendance hélas récente à ne croire que difficilement ceux qui disent la bouche en cœur vouloir notre bien (malgré nous).
 
Pour terminer, je donnerai la parole à Emmanuel Macron himself qui disait en 2017 : « Dans les 5 ans à venir, moi je ne propose pas de décaler l'âge de départ à la retraite, ce n'est pas juste, et les sacrifiés, ce sont ceux qui ont aujourd'hui autour de 60 ans. » Le même, une fois président, ajoutait en 2019 : « Est-ce qu'il faut reculer l'âge légal qui est aujourd'hui à 62 ans ? Je ne crois pas, pour deux raisons. La première, elle est un peu directe, c'est que je me suis engagé à ne pas le faire et je trouve que c'est quand même mieux sur un sujet aussi important ». « La deuxième raison, c'est que tant qu'on n'a pas réglé le problème du chômage dans notre pays, franchement, ce serait assez hypocrite de décaler l'âge légal, je veux dire, quand on est aujourd'hui peu qualifié, quand on vit dans une région qui est en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté et qu'on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans... c'est ça la réalité de notre pays. Alors on va dire, non, non, il faut maintenant aller jusqu'à 64 ans, vous ne savez déjà plus comment faire après 55 ans, les gens vous disent "les emplois c'est plus bon pour vous", c'est ça la réalité, c'est le combat qu'on mène, on doit d'abord gagner ce combat avant d'aller expliquer aux gens "mes bons amis, travaillez plus longtemps, c'est le délai légal !" Ce serait hypocrite ! »
 
Nous sommes nombreux en France à souscrire à cette analyse. Les Français ne sont pas des poissons rouges (ils l'ont montré pour le référendum de 2005 trahi par le président et les parlementaires de la majorité de l'époque avec le fumeux Traité de Lisbonne), ils sauront se souvenir de cette nouvelle trahison lors des prochaines échéances électorales, à moins que le vase de la rancœur ne se mettent à déborder bien avant 2017 sous une forme dont nous ne pouvons encore rien savoir, à la façon des Gilets Jaunes qui avaient allumé un feu dont le gouvernement a senti de bien près les flammes.
 
Même si vous n’êtes pas d’accord avec l’ensemble de l’argumentaire ci-dessus, nous sommes nombreux à vouloir entendre de véritables arguments en lieu et place des contes de fée habituels, et nous comptons sur votre sagacité pour empêcher l’erreur qui consisterait à imposer cette réforme à un peuple qui a déjà beaucoup souffert et qui n’en veut pas.
 
Avec mes respectueuses salutations,
 
Mathieu Lavarenne
Président du Cercle Républicain Edouard Boeglin
 
 
(N'hésitez pas à faire de même et à le partager. Ce texte est sans copyright, il est libre de droit pour pouvoir être transformé, raccourci, malaxé, amendé, amélioré, corrigé... à votre bon cœur. Les adresses courriels de vos élus sont facilement trouvable sur le site en lien.)
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