Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
RES PUBLICAE
Archives
Derniers commentaires
27 mars 2024

De l'eugénisme au transhumanisme

Le "Manifeste des généticiens" (1939)
 
 

« Comment la population mondiale pourrait-elle être améliorée le plus efficacement sur le plan génétique ? »

C’est la question qui a été posée à une vingtaine de chercheurs dont la réponse a été publiée dans la prestigieuse revue Nature le 16 septembre 1939. Parmi les signataires de ce qu’on a appelé le « Manifeste des généticiens », aux côtés du biologiste américain Hermann J. Muller ou encore de l'anglais J.B.S Haldane, on y retrouve notamment Julian Huxley (1887-1975), frère d’Aldous (l'auteur du "Meilleur des mondes"), premier directeur général de l’UNESCO en 1946, membre de la « British Eugenics Society » dont il a été vice-président puis président jusqu’en 1962.
Si le mot de transhumanisme a été inventé dans les années 30 par le polytechnicien Jean Coutrot, proche du Front Populaire avant de devenir collaborateur du gouvernement de Vichy, il ne désignait alors qu’une sorte d’unification "trans"-disciplinaire des humanismes. Son sens actuel d'humanité augmentée par la technologie et notamment les biotechnologies, a été façonné dans les années 50 par ledit Julian Huxley, en remplacement du terme d’eugénisme, « sali » par l'usage qu'en a fait le nazisme ("nationalsozialismus" = "socialisme national"), tout comme il suggèrera à la même époque de substituer la notion de "groupes ethniques" au mot "race".
 
Voici quelques extraits de ce Manifeste qui se veut donc "progressiste", dans la lignée de cet eugénisme "de gauche", visant à la création d'un "Homme Nouveau" :
 
 
« L'amélioration génétique effective de l'humanité […] nécessite une sorte de fédération mondiale efficace, basée sur les intérêts communs de tous les peuples ». Elle réclame aussi « la légalisation, la diffusion universelle et le développement ultérieur par le biais d'investigations scientifiques, de moyens de contrôle des naissances de plus en plus efficaces, tant négatifs que positifs, qui peuvent être mis en œuvre à toutes les étapes du processus de reproduction, comme la stérilisation volontaire, temporaire ou permanente, la contraception, l'avortement (comme troisième ligne de défense), le contrôle de la fertilité et du cycle sexuel, l'insémination artificielle, etc. »
En ce sens, il faut que « l'attitude superstitieuse envers le sexe et la reproduction, actuellement prédominante » soit « remplacée par une attitude scientifique et sociale ».
 
Dans ce monde à venir, dont « l’accomplissement serait - en ce qui concerne uniquement les considérations purement génétiques - physiquement possible dans un nombre relativement restreint de générations », « il sera considéré comme un honneur et un privilège, voire un devoir, pour une mère, mariée ou non, ou pour un couple, d'avoir les meilleurs enfants possibles, tant en ce qui concerne leur éducation que leur patrimoine génétique, même lorsque ce dernier implique un contrôle artificiel, bien que toujours volontaire, du processus de parentalité ».
 
Certes, « la doctrine de Lamarck est fallacieuse, selon laquelle les enfants de parents qui ont eu de meilleures opportunités de développement physique et mental héritent de ces améliorations biologiquement, et selon laquelle, en conséquence, les classes et les peuples dominants seraient devenus génétiquement supérieurs aux classes défavorisées ».
 
Mais « les caractéristiques intrinsèques (génétiques) de chaque génération ne peuvent être meilleures que celles de la génération précédente que par le biais d'une sorte de sélection, c'est-à-dire que les personnes de la génération précédente ayant un meilleur équipement génétique aient produit plus de descendants, dans l'ensemble, que les autres, soit par choix conscient, soit comme résultat automatique de leur mode de vie ».
 
Or, « dans les conditions civilisées modernes, une telle sélection est beaucoup moins susceptible d'être automatique que dans les conditions primitives, d'où la nécessité d'une sorte de guidage conscient de la sélection » pour que « les motifs sociaux prédominent dans la société ». « La population doit d'abord comprendre la force des principes ci-dessus et la valeur sociale qu'une sélection judicieusement guidée aurait ». « Pour le bien de l'humanité en général ». Évidemment.
 
Il faut ainsi que « le grand public, ou l'État censé les représenter, puisse adopter des politiques rationnelles pour orienter leur reproduction », dans le cadre d’une « organisation socialisée ».
 
« Les objectifs génétiques les plus importants, d'un point de vue social, sont l'amélioration des caractéristiques génétiques qui favorisent (a) la santé, (b) le complexe appelé intelligence, et (c) ces qualités de tempérament qui favorisent la solidarité et le comportement social plutôt que ceux (aujourd'hui les plus estimés par beaucoup) qui favorisent le "succès" personnel, comme le succès est généralement entendu actuellement ».
Cela implique « la coopération de spécialistes dans divers domaines de la médecine, de la psychologie, de la chimie et, non moins important, des sciences sociales, avec l'amélioration de la constitution intérieure de l'homme lui-même comme thème central ».
 
 
C’est sans surprise dans ce courant de pensée que se développe aussi la réflexion sur les nouvelles méthodes d’ingénierie sociale, héritage du courant Menchévik (littéralement les "minoritaires" qui ont dû entrer en clandestinité ou s'exiler d'URSS vers l'Ouest). Ces derniers, se revendiquant dès les origines comme "socio-démocrates", théorisaient une révolution pas à pas, progressive, par étape, acceptant l'alliance avec les bourgeoisies libérales, afin de ne pas brusquer le corps social, par opposition aux Bolchéviks (majoritaires) qui voulait le Grand Soir, tout de suite et en vitesse, par la "dictature du prolétariat".
 
C'est aussi cela l'arrière-plan scientifique et idéologique du transhumanisme et des expérimentations actuelles sur le vivant humain qui utilisent fallacieusement la "Science" comme argument d'autorité quasi-religieux.
 
Par opposition factice à l'eugénisme "négatif" hitlérien (c'est-à-dire l'élimination physique des supposés "dégénérés", dans le but d'en "purifier" le corps social et d'éviter qu'ils ne "prolifèrent"), ce "néo-eugénisme" se pense, en toute bonne conscience, comme "positif", au sens où il souhaite sélectionner à la naissance, voire avant même le projet d'une naissance (jusqu'à la "stérilisation par injection" comme le disait déjà J. Huxley), en s'appuyant sur des choix en apparence volontaires, mais induits par la pression sociale et politique.
 
Alors, finalement, qu'est-ce que le progressisme ?
 
Mathieu LAVARENNE
 
 
Pour en apprendre davantage :
"Dans la famille Huxley, on connaît Aldous, l’auteur du Meilleur des mondes. Mais son aïeul Thomas Henry et son frère Julian étaient eux aussi de sacrés types."
 
 
Publicité
Commentaires
RES PUBLICAE
  • Blog de Mathieu LAVARENNE. Vous trouverez dans ce blog des analyses politiques, historiques, philosophiques, des réactions à l’actualité, des prises de position, des réflexions sur le monde comme il va.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 66 194
RES PUBLICAE
Newsletter
Publicité