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27 avril 2022

Etat des lieux politique 2002-2022

Un divorce grandissant

entre le peuple et ses "élites"

(actualisé en avril 2022)

 

OragePour repartir du bon pied, il faut d'abord faire un état des lieux, établir un bon diagnostic politique de la situation, en partant des faits électoraux. Si le divorce est grandissant entre le peuple et ses "élites" (en fait une nouvelle oligarchie mondialisée et apatride, comme ce fut déjà le cas à l'époque hellénistique après l'effritement de la démocratie athénienne; ou encore à l'époque romaine, lorsque la vieille République a mué en Empire), une insurrection électorale est toujours possible. Pour peu que l’on sache tirer les leçons du passé. Car ce n'est pas le Peuple qui manque. Ce sont des représentants dignes de ce nom. Avec pour conséquence une montée en flèche de l'abstention (chaque record en bat un autre) mais aussi du vote protestataire et du vote sanction contre des gouvernements élus par défaut. Une situation explosive face à laquelle nos gouvernants ont préféré jouer à l'autruche, quand ce n'est pas aux apprentis-sorciers. Rappelons-nous.

21 avril et 5 mai 2002 – ELECTION PRESIDENTIELLE. Présentée pendant des mois comme se résumant au duel Chirac-Jospin, cette élection s’est soldée par l’accès au 2nd tour de l’épouvantail Le Pen. Ce scrutin n’a été une victoire que pour l’abstention (atteignant presque 30% au 1er tour, du jamais vu à une élection présidentielle) et le vote protestataire (19% pour l’extrême droite, 14% pour l’extrême gauche, soit un tiers des suffrages exprimés). Les scores des candidats au 1er tour étant ridicules au regard de l’échéance : Chirac : 13,75% des inscrits – Le Pen : 11,66 % – Jospin : 11,19%. La situation politique est bloquée : alors que la grogne n'a jamais été aussi forte, c'est le président sortant ("super-menteur", dit-on couramment) qui rafle logiquement la mise. Et l'autocritique (attendue) des politiques, des médias, des élites en général, n'a pas été au rendez-vous. Au contraire, ce sont les citoyens français qui furent sommés d'avoir "honte" de leur vote. Mais à qui la honte ?

PRESIDENCE DE JACQUES CHIRAC

Gouvernement RAFFARIN

6 juillet 2003 – REFERENDUM sur le statut de la CORSE. 51% des électeurs se sont prononcés contre l’aventure institutionnelle, malgré l’appel insistant à voter "oui" lancé par la quasi-totalité de la presse et des partis politiques. Il s’agissait en outre de la première mise en œuvre de la LOI organique n° 2003-705 du 1er août 2003 relative au référendum local, qui avec l’aide de la LOI constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République contrevient au sage principe d’indivisibilité de la nation, qui énonce que la loi doit être la même pour tous (à l'article 1er de notre Constitution qui affirme que "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale", il a en effet été ajouté : "son organisation est décentralisée", ce qui soit dit en passant ne veut pas dire grand chose, si ce n'est peut-être un désir sous-jacent inavoué).

7 décembre 2003 – REFERENDUM sur la GUADELOUPE et de la MARTINIQUE. Après ceux de Corse, nos concitoyens des Antilles, refusent à leur tour des statuts qui dérogent à la loi commune de la République. Contrairement aux attentes des maîtres censeurs, 73% des Guadeloupéens et 51% des Martiniquais rejettent la suppression des départements et leur régionalisation.

21 et 28 mars 2004 – ELECTIONS REGIONALES et CANTONALES. Deux ans à peine après avoir été quasiment "contraints" de voter massivement pour J. Chirac (82 % !), les citoyens corrigent la donne et laissent 20 régions métropolitaines sur 22 au PS. Ce vote de rejet sanctionne une « majorité » très peu légitime, sortie des urnes par la force en 2002, et les politiques de son gouvernement (l’UMP n’atteint que 6,8% des inscrits ! Les six ministres UMP-UDF en tête de liste sont battus). On observe la même tendance lors des élections cantonales : la « gauche » obtient 10 départements supplémentaires.

Remaniement du gouvernement RAFFARIN

13 juin 2004 – ELECTIONS EUROPEENNES. Plus que jamais, c’est l’abstention qui sort vainqueur du scrutin avec 57,5%, taux jamais égalé pour un scrutin national de la 5ème République (sauf referendums sur la nouvelle Calédonie en 1988 : 63% et sur le quinquennat en 2000 : 70%). Dans ce scrutin régionalisé pour la première fois, pas moins de 41 listes très hétéroclites se sont présentées devant le suffrage. Le PS sort en tête avec 29% des voix, loin devant l'UMP avec ses 16% des suffrages exprimés. Certains se sont autorisés à croire que les Français se normalisaient enfin dans la post-démocratie européenne (abstention massive et rejet de la politique comme lot commun et inéluctable). Erreur, sans doute.

26 septembre 2004 – ELECTIONS SENATORIALES. Malgré l'union des droites et du centre avec la création de l'UMP le 23 avril 2002 (congrès fondateur, le 17 novembre 2002, avec la dissolution officielle du RPR et de Démocratie Libérale), la droite perd la majorité absolue dans une chambre qui la lui accordait pourtant depuis le début de la Vème République. Le PS passe de 83 à 97 sièges.

29 mai 2005 – REFERENDUM SUR LE TRAITE CONSTITUTIONNEL EUROPEEN. Le plus grand signe du divorce entre la nation et ses élites était pourtant à venir : le 28 février 2005, par 730 voix pour, 66 contre, 96 abstentions, soit 92% des parlementaires (députés et sénateurs), nos représentants ont voté "oui" au traité constitutionnel. Avec les principaux partis politiques, les médias (presse, radio, télévision) dans leur presque unanimité ont continué de mener une campagne invraisemblable pour le "oui" en diabolisant, culpabilisant, faisant même un chantage à la catastrophe. Rien n’y fit, après un débat profond qui a touché toutes les chaumières, le 29 mai les Français ont voté "non" à 55%, avec un taux de participation de 70% qui n’a laissé aucun doute sur leur détermination.

Gouvernement VILLEPIN

22 avril et 6 mai 2007 – ELECTION PRESIDENTIELLE. Avec un taux de participation record, digne des démocraties où le vote est obligatoire, les Français ont montré ce qu’ils attendaient : que la politique joue pleinement son rôle. Déjà durant la campagne, le taux d’audimat des émissions politiques avait été doublé. Les trois principaux candidats n’ont pu faire campagne qu’en prenant la posture de la « rupture », quand bien même cela ne correspondait pas à la réalité. Nicolas Sarkozy a ainsi été élu sur des questions sociales, et sur une demande de protection de la France contre la globalisation, sur laquelle ses communicants ont axé son programme, reproduisant l'axe de campagne de Chirac quand il a damé le pion à Balladur en 1995, avec son fameux "mangez des pommes"). Peu de temps a été nécessaire pour mesurer l’écart entre ce qui a été promis et les actes. Dès l’entre deux tours, sur le problème de l’indépendance de la Banque centrale européenne, il s’est renié. De plus, le fort score de François Bayrou a montré à quel point les Français ne se reconnaissent plus dans le clivage apparent entre libéralisme social et social libéralisme. Paradoxalement, car le candidat centriste incarne précisément cette même idéologie libérale, d’acquiescement à la mondialisation. [Edit déc. 2018 : C'est d'ailleurs exactement sur cette ligne que va se positionner Emmanuel Macron en 2017, cette fois-ci avec succès... avant que l'illusion ne s'effrite].

 (Compléments 2007-2011)

Comme lors du précédent cycle, les votes des citoyens ont à chaque fois été des votes d’opposition plutôt que des votes d’adhésion, les Français assénant des coups de bambou à droite et à gauche, et en général contre la majorité en place, habituellement élue par défaut. Même l’élection présidentielle de 2007 a été un vote de d’opposition, le candidat UMP ayant été obligé, pour gagner, de se présenter comme « la rupture » à l’égard du président issu pourtant de son propre camp. [Edit 2018 : En 2017, un ancien ministre de Hollande fraîchement démissionnaire, un certain Emmanuel Macron, va prendre la posture anti-système de la rupture].

PRESIDENCE DE NICOLAS SARKOZY

Gouvernement FILLON

Février 2008 – RATIFICATION PARLEMENTAIRE DU TRAITE DE LISBONNE (TME). Alors que le vote de 2005 avait été clair, la ratification parlementaire du Traité de Lisbonne n’a pas fini de produire ses effets pernicieux. Fondé sur une série de mensonges au sommet (un traité non simplifié mais complexifié, sous le nom de Traité Modificatif Européen ; non un traité nouveau mais une copie remaquillée du TCE de 2005 ; non une initiative de Sarkozy mais le fruit du groupe de travail Amato ; un traité non simplement fonctionnel mais bel et bien constitutionnel), noyé sous une chape de plomb médiatique, loin de « mettre un terme à des années de polémiques », ce traité illégitime confine purement et simplement à un coup d’Etat oligarchique dont la démocratie ne se remettra pas facilement. Les stigmates resteront longtemps profondes. [Edit 2018 : le mouvement des Gilets Jaunes est à coup sûr une des répliques de ce séisme politique].

9 et 16 mars 2008 – ELECTIONS MUNICIPALES et CANTONALES. Lors de ces élections, 42 % des inscrits ne se sont pas exprimés (vote blanc, nul ou abstention). Une majorité de grandes villes ont été acquises à la « gauche », qui est pour autant restée au coude à coude en voix cumulées. Après un début de présidence particulièrement « bling bling », le capital crédit de Nicolas Sarkozy est déjà fortement érodé. L’état de grâce n’a pas tenu. La rupture attendue par l’opinion se révèle désastreuse, encore pire que l’inaction. C’est la République et l’esprit des Institutions qui sont atteints. La déception chez les couches laborieuses, mais aussi dans une certaine droite morale et gaulliste, est à la hauteur des espérances passées (cf. les discours ouvriéristes de la campagne, le volontarisme affiché, les fondamentaux de la République mis en avant dans les discours écrits par Guaino…). Aux cantonales, la gauche gagne 6 départements supplémentaires (51 présidents appartiennent au PS et 30 à l’UMP).

21 septembre 2008 – ELECTIONS SENATORIALES. Les sénateurs sont désormais élus pour 6 ans. Ces élections ont connu un succès plus fort qu'attendu pour la gauche qui gagne 21 sièges. A droite, à l’inverse, on a connu des reculs plus importants que ceux qui avaient été pronostiqués.

Mars-avril 2009 – RETOUR DANS LE COMMANDEMENT INTEGRE DE L’OTAN. Ce retour a marqué une rupture dans la politique étrangère de la France. Les sondages ayant montré une opposition massive, de nombreux membres de la majorité étant aussi gênés aux entournures, le gouvernement a dû engager sa responsabilité, montrant sa volonté de passage en force. Les quelques maigres avantages (deux ou trois gradés de plus sous commandement américain pour agir dans une logique de minorité influente) ne font pas le poids face aux inconvénients. Ce fut un geste éminemment symbolique d’allégeance aux Etats-Unis, et surtout d’alignement de la France dans une logique de conflit des civilisations que le refus de 2003 avait pourtant heureusement désamorcé. Ce geste s’inscrit de plus dans une série d’abandons néfastes pour notre politique internationale, pourtant mère de toutes les autres politiques si nous voulons être capables de nous attaquer aux causes globales de nos problèmes (liés à l'idéologie de la mondialisation néo-libérale) et pas simplement à leurs conséquences locales (les "problèmes concrets des Français", certes réels, mais dans lesquels la nouvelle oligarchie souhaite enfermer le débat politique). [Edit 2018 : aujourd'hui, la France est aux bottes de l'OTAN notamment en Europe de l'Est dans une logique qui n'est pas celle de la diplomatie française]

7 juin 2009 – ELECTIONS EUROPEENNES. Avec 27,88 % des suffrages exprimés (contre 16,4% en 2004), l’UMP, le Nouveau Centre et la Gauche Moderne, obtiennent la majorité relative des sièges français (29 députés sur 72). Nouveau message des Français, le PS, qui se croyait le vent en poupe depuis les élections de 2008, recule très fortement (de 28,9% en 2004 à 16,5% en 2009), de même que le MoDem (UDF : 12% en 2004 contre 8,5% en 2009). Les écologistes obtiennent quant à eux un score important (16,3 % pour Europe Écologie et 3,6 % pour l'Alliance écologiste indépendante). Mais l’abstention bat un nouveau record avec 59,4%, la moyenne en Europe étant de 57%, avec toutefois trois pays où le vote est obligatoire (Belgique, Grèce, Luxembourg). Il faut tirer les leçons de ce désintérêt, au lieu de poursuivre la non-politique de l'autruche. Cela ne se fera pas sans grandes réformes européennes.

10 et 24 janvier 2010 – REFERENDUMS sur l'évolution institutionnelle de la MARTINIQUE et de la GUYANE. La consultation du 10 janvier proposait une autonomie accrue de la Martinique et de la Guyane, en remplaçant le statut du département et de la région par celui de Collectivité d'Outre-Mer. Malgré l'abstention de près de la moitité des électeurs, 79% des Martiniquais et 70% des Guyanais ont voté "Non" à cette question que visiblement ils ne se posaient pas. C'est dire combien l'idéologie de l'autonomie des régions (car c'est bien de cela qu'il s'agit dans ces "zones test") trouve son origine dans l'oligarchie actuelle qui, tout en donnant l'impression de rapprocher le pouvoir des "gens" sous le vocable trompeur de la "démocratie locale", a besoin de diviser, de différencier, pour régner (oligarchie à laquelle il convient d'ajouter toutes les cohortes d'"idiots utiles", ces Don Quichotte qui provoquent toujours pire que ce contre quoi ils prétendent lutter, au nom de la pureté de leur idéal de Justice et de Liberté). Le 24 janvier, seuls 25% des citoyens se sont déplacés pour donner leur avis sur la création d'une entité territoriale cumulant les prérogatives des départements et des régions. Le "oui" l'a emporté avec 68 et 57% des suffrages exprimés. C'est toujours ça de pris pour un gouvernement qui souhaite à terme la disparition des départements. Prochaine étape de l'aventure institutionnelle (dont la possibilité a été ouverte par la loi de 2003 sur le referendum local) : ce qui a raté en 2003 avec la Corse, la Guadeloupe et la Martinique, puis en 2010 avec la Martinique et la Guyane, il faudra le retenter en Alsace. C'est en ce sens que Philippe Richert, président du Conseil Régional d'Alsace, deviendra ministre chargé des collectivités territoriales en novembre 2010, mettant immédiatement sur la table un projet de fusion des deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, soufflant quoi qu'il en dise sur des particularismes locaux hérités d'une Histoire sinueuse et douloureuse. Mais le résultat est loin d'être acquis, malgré la surenchère régionaliste d'une très grande partie de la classe politique alsacienne, gauche-droite confondues.

14 et 21 mars 2010 – ELECTIONS REGIONALES. En mars 2010, 53,6% des électeurs se sont abstenus, un record pulvérisé, pour une élection régionale. En 2004, au 1er tour, l'abstention avait été de 39,1%. Le précédent record avait été établi en 1998, quand le scrutin régional n'était qu'à un seul tour, avec 42,3%. Un recul de participation à analyser comme un discrédit grandissant du politique et un indice de la déception après la forte mobilisation et les nombreux débats de 2007, entre autres. On a parlé pour ces élections de « vague » rose et verte, c’est donc à relativiser puisqu’il n’y a pas de quoi pavoiser. A noter que les Verts, dans le cadre élargi d’Europe Ecologie, ont confirmé leurs alliances fédéralistes, régionalistes et autonomistes (acceptées par le PS dans le cadre des alliances du second tour). Le Modem s’est effondré, avec 4,2% des suffrages exprimés au premier tour, la barre des 5% n’étant pas atteinte, contrairement au Front de Gauche qui dépasse légèrement ce seuil. Au niveau national, la majorité essuie le plus cinglant revers de son histoire (avec 26,18% des suffrages), largement devancé par le PS. Très symbolique, les huit ministres ou secrétaires d'Etat têtes de liste ont été battus : Darcos, Pécresse, Joyandet, Novelli, Marleix, Bussereau, Létard et Le Maire. 22 des 25 régions seront dirigées par l’alliance PS-écologistes. Seules l’Alsace, la Guyane et la Réunion restent dans l’escarcelle UMP. C’est presque un grand Chelem pour le PS, mais là encore, à part les intéressés qui se cachent derrière leurs œillères, qui peut vraiment croire qu’il s’agit d’un vote d’adhésion ?

20 et 27 mars 2011 – ELECTIONS CANTONALES. Au premier tour, abstention record, accentuée par un scrutin découplé de tout autre vote : 55%, contre 35% aux cantonales de 2008 et 36% en 2004, soit 20% de plus. Poussée du Front National à 15,2%, avec sa "nouvelle" dirigeante, Marine Le Pen (qui a pris la succession de son père le 16 janvier 2011, en arrondissant les angles du discours, dans la mesure où, à l'inverse de son père, elle a davantage de prétentions à gouverner réellement)  : 394 candidats FN présents au 2nd tour. Le score moyen du FN dans les cantons où il se présentait est de plus de 20% (12% en 2004, deux ans après que Jean-Marie Le Pen soit qualifié pour le second tour). Sanction forte contre l’UMP, dont l’étiquette a été boudée par les candidats qui ont préféré se présenter sans aucune étiquette ou sous une variante (800 listes ont refusé l’étiquette UMP, par ex. la « Majorité Alsacienne »). Avec environ 17% des voix à l’échelle nationale, le plus mauvais score tous scrutins confondus, on peut parler de déroute, moins d’un an après la réforme des retraites passée en force et après plusieurs débats dont la fonction était de ramener l’électorat frontiste dans l’escarcelle présidentielle. Preuve que la peur de l’immigration n’est pas principalement ce qui dope le vote FN, mais bien plutôt la question nationale (et donc de la souveraineté populaire, issue de la Révolution Française) dont le FN s’est emparé sur fond de crise européenne, depuis la trahison du vote de 2005. Le PS plafonne à 25% malgré la fenêtre de tir ouverte par la déception des électeurs de Nicolas Sarkozy. Même taux d’abstention au second tour : la crise politique est profonde. Avec 18%, l’UMP perd 8 points par rapport à 2008 et le PS 3 points à 36%. Avec 11,1%, le FN dépasse largement les moins de 1% de 2004. Par la voix de M. Copé, l’UMP s’enfonce dans la surdité en en déduisant que les Français plébiscitent la réforme territoriale de 2014 et son scrutin « simplifié », mais aussi qu’il faut dorénavant regrouper départements et régions. François Hollande pense aussi à regrouper les scrutins… Pourtant, plus que de l’indifférence, c’est un rejet pur et simple qui est manifesté. L’UMP s’effondre, le PS ne rafle pas la mise qu’il espérait. Le FN obtient quelques élus, beaucoup moins que « prévu ». Le « Front républicain » a fonctionné une nouvelle fois, avec des scores de république bananière pour les candidats PS ou UMP en duel avec le parti de Marine Le Pen, preuve que le vote FN, en plus d’être un danger pour le pacte social (division profonde du pays, déchaînement des haines et des ressentiments), est aussi une impasse, puisqu’il ne fera que permettre plus longtemps une reconduction des partis dominants en salissant de véritables thématiques d’opposition. Sa percée est le fait, non du discours sécuritaire et anti-immigration (Guéant et Sarkozy ont tenu un discours similaire), mais de la lutte contre la réalité de la mondialisation et de l’Europe des marchés, avec leurs lots de délocalisations, de licenciements, de dumping social, salarial, politique. Nouveautés dans la donne politique : des syndicalistes CGT ou CFDT ont porté les couleurs du FN. Les effets désastreux du Traité de Lisbonne et de la gifle donnée aux Français qui avaient refusé le TCE en 2005 n’ont pas fini de produire leurs effets. La cartouche du remaniement a déjà été tirée deux fois en moins d’un an, et le premier ministre Fillon est tout autant évanescent.

25 septembre 2011 – ELECTIONS SENATORIALES. Victoire historique (en trompe l'oeil) de « la » gauche qui remporte la majorité absolue au Sénat (avec toutefois seulement 177 sièges sur 348), pour la première fois depuis le début de la 5ème République (on peut se souvenir de la présidence de Gaston Monnerville entre 1947 et 1968, tout de même). Réciproquement, très cuisant échec pour la majorité présidentielle, une nouvelle fois désavouée, cette fois-ci par les élus locaux, dont beaucoup ont été largement échaudés par le désordre et l'impéritie des réformes menées par le gouvernement : nombreux transferts de charges financières sur les collectivités territoriales sous couvert de décentralisation, suppression à l’aveugle de la taxe professionnelle, progressive désertification des territoires ruraux par les services de l’Etat et par ce qu’il reste des anciens services publics, intercommunalité à marche forcée sous la férule préfectorale, réforme territoriale qui menace les départements, etc. Certes la défaite avait été pressentie, mais pas aussi lourde (cas symboliques : défaite du ministre de la Ville Maurice Leroy, liste UMP devancée par la gauche dans les Hauts-de-Seine, victoire du dissident Pierre Charon à Paris). A noter aussi une forte poussée du vote protestataire, notamment pour le FN qui, sans obtenir de sénateur, voit le nombre de ses voix multiplié par 3 ou 4 par rapport aux précédents scrutins. Les "vainqueurs" d’un soir auraient donc tort de pavoiser : ce vote est à nouveau un « non » avant d’être un « oui ». Grâce à la persistance de ces 36 000 communes de France que l’oligarchie souhaiterait davantage corseter et museler, en les vidant de leur substance au profit d’une intercommunalité abstraite et bien plus lointaine, la moitié environ des « grands électeurs » qui ont eu à s’exprimer sont des représentants de petites communes de moins de 3500 habitants (près de 90% des Communes), dont beaucoup sont apolitiques ou dépolitisés. Derrière ce vote, il faut entendre l’amplification de la grogne populaire et l’attachement des Français à leurs institutions séculaires : Commune, Département, Etat. C’est un nouveau cri contre l’imposition à la France, par le fait d'élites de plus en plus déconnectées, d’un modèle qui ne correspond ni à son esprit ni à son expérience historique plus que millénaire. Un cri dont il n'est vraiment pas sûr que ladite gauche sache l'entendre...

Remaniement du gouvernement FILLON

(Compléments 2012-2014)

Comme prévu, le vote d’opposition a à nouveau prédominé chez des citoyens toujours avides de politique, mais qui ont de plus en plus de mal à y croire. En 2012, le candidat Hollande a remporté la présidentielle en "surfant" sur les errances médiatiques et politiques de son instable prédécesseur et en se présentant comme le candidat du "changement"... En janvier 2014, le proclamé "changement" finit par s'assumer comme une continuité avec les politiques menées jusque-là. RIP.

22 avril et 6 mai 2012 – ELECTION PRESIDENTIELLE. D’abord l’élection avant l’élection, la primaire socialiste qui commence par une surprise symptomatique de l’état d’esprit du corps politique : Arnaud Montebourg, candidat de la démondialisation, de l’euroscepticisme, de l’affirmation de la France comme puissance (du moins dans le discours) et de l’esprit critique face à la béatitude germanophile, est arrivé à 17%, très au-delà de ce qui était annoncé par les sondeurs qui « corrigeaient » les chiffres à la baisse. Alors que les Français étaient, comme toujours, très en attente, la campagne présidentielle qui a suivi fut particulièrement atone : peu de débat, moins que lors des primaires socialistes ! Le peu d’émissions politiques auxquelles nous avons eu droit ont pourtant connu des succès d’audience remarquables. Les jeunes électeurs ne s’en sont pas rendu compte, mais la dérive médiatique fut massive avec la contamination des affaires politiques par la télé-réalité : promenades inconsistantes dans les coulisses « des paroles et des actes », commentaires de type sportif, dictature de l’immédiateté (« priorité au direct », en coupant la parole à un politique tentant un raisonnement), tyrannie de l’affectif et de l’émotion (« que ressentez-vous ? » plutôt que « quels sont vos arguments, déductions ou conclusions ? »). Parfois, ce fut de la mise en scène à la Fort Boyard : « nous suivons maintenant François Hollande qui va entrer dans sa voiture… ah, il sort le discours de sa poche… il sort maintenant de sa voiture… ». Vanité et vacuité d’un discours qui ne dit rien de rien et nuit à la réflexion. Un point en plus dans le divorce avec le peuple. On a même entendu des chroniqueurs regretter impudemment l’« archaïsme » de l’égalité stricte de temps de parole, imposée par le CSA : une façon de vouloir nous enfermer dans les candidats du « système » par le règne du plus fort, du plus "friqué". Bipartisme à l'américaine. [Edit 2018 : peu avant la campagne de 2017 qui fera élire E. Macron, nos élites affaibliront ce principe de l'égalité au nom d'une équité arbitraire]. La participation fut forte pour un scrutin et une fonction présidentielle investie par le peuple bien au-delà de ce que les principaux prétendants veulent faire : avec 80%, elle fut un peu plus faible qu’en 2007 (post trauma 2002), mais on annonçait beaucoup moins pour cause de vacances scolaires. 10 millions d’inscrits ne se déplacent toutefois pas pour voter. Dix candidats ont finalement obtenu les parrainages nécessaires (contre 16 en 2012 et 12 en 2007), face à des maires toujours plus suspicieux.

Le scrutin de 2012 fut une nouvelle « victoire » de la protestation : ce n’est pas François Hollande qui a gagné, c’est Nicolas Sarkozy qui a perdu et qui est sorti avec un coup de pied dans le derrière, humiliation terrible pour un président sortant (première fois depuis 1981 et le "au revoir" larmoyant de Giscard d'Estaing, mais il revivra cela en 2016 lors de la primaire pour les présidentielles). François Hollande avait en effet choisi de faire campagne façon Rajoy en Espagne : moins j’en dis, moins je prends de risques de fâcher l’électorat en dévoilant ce que je veux faire, et plus j’ai de chance de surfer sur la vague « anti »... Il s’est d'ailleurs présenté comme le candidat du « changement », le « candidat de toutes les forces qui veulent tourner la page » (ça change peu de la « rupture » de Sarkozy face à Chirac). En 2007, Nicolas Sarkozy avait fait fondre le score du FN à 10,4% par une campagne politique à coups de menton et projetait d’aspirer durablement le vote frontiste en séduisant les électeurs protestataires. Cinq ans plus tard, malgré les ronds de jambe pour séduire cet électorat (débat sur l’identité nationale, polémique sur les Roms…), cela n’a pas pris. 2012 a vu le redressement du FN et l’effondrement de l’UMP, dont le président était maladroitement resté chef de parti. Et ce n’est pas faute d’avoir fait le vide autour de lui : Jean-Louis Borloo, Christine Boutin, François Morin, Frédéric Nihous étaient rentrés à l’écurie. Dominique de Villepin n’a pas pu (ou voulu) se présenter, faute de déposer le nombre nécessaire de parrainages (faute de décoller dans les sondages ?), malgré un début de campagne axé sur l’indépendance de la France, la justice sociale et les valeurs républicaines et laïques, au-delà des clivages. Le succès du FN, agité comme épouvantail par les médias et les politiques, fut toutefois très relatif : annoncé à 20%, il obtint finalement 17,9%, soit l’équivalent du second tour de 2002 (qui lui-même ne fut que la somme mécanique des électeurs du FN, de Bruno Maigret et Jean Saint-Josse, au premier tour, sans gain de second tour). Autrement dit, la base électorale du FN ne s’est pas vraiment élargie en dix ans. Ce parti reste le meilleur allié du système pour cristalliser les colères, neutraliser la dissidence et salir les partisans d’une réorientation en profondeur de la politique française : « vous parlez comme le FN ! »… et si c’était l’inverse ?! Un FN qui récolte les fruits de la contestation, quels qu'ils soient, même légitimes, en les salissant par ses outrances et son passé douteux. Marine Le Pen s’est en effet présentée comme « la seule opposition à la gauche ultralibérale, laxiste et libertaire », avec un discours eurosceptique du type « entrons en résistance », au-delà de la droite et de la gauche (réfutant même la qualification d’extrême-droite), chantant la Marseillaise, se tournant vers les ouvriers, les agriculteurs… misant sur l’implosion de l’UMP dans l’espoir de devenir centrale à droite. Une stratégie qui n’a pas vraiment payé (quelques dossiers puants sont sortis à point et Le Pen père a lâché quelques insanies à l'approche du scrutin), mais qui continue d’encombrer le paysage politique en empêchant une alternative républicaine d’apparaître. De son côté, Jean-Luc Mélenchon avait plusieurs objectifs : 1/ dépasser François Bayrou (de fait à 9,3%) pour obliger le PS à se tourner vers lui plutôt que vers le centre. 2/ dépasser Europe Ecologie pour devenir la deuxième force de gauche (de fait pour Eva Joly ce fut un désastre). 3/ dépasser le FN pour devenir le nouveau candidat « anti-système ». Avec 9 points d’écart et 11,1% des voix, ce fut un gros échec. Il n’a rien fait de plus qu’égaler les suffrages cumulés d’Europe Ecologie, du NPA et de LO en 2002, sans que le FN n’en soit affecté. Rien de très nouveau donc. Sauf que de ce côté-là aussi, le positionnement très "à gauche", les postures anti-médiatiques du candidat, parfois violentes, ont cristallisé de la contestation tout en servant de repoussoir aux "modérés". Revenons au vainqueur par défaut de cette élection. La réponse des sondés à une question d’entre deux tours (Ipsos) fut inédite et cinglante : « Si François Hollande est élu, pensez-vous que la situation de la France va s’améliorer ? » 46% de Non, 28% ne se prononçant pas et seulement 26% de Oui ! Du jamais vu… D’après un sondage d’août 2012 (Ifop), le moral « des Français » était au plus bas pour une période d'après-élection présidentielle, avec 68% de personnes se disant pessimistes pour leur avenir, malgré "l'alternance" politique (à quand l'alternative ?). « Après la réélection de Chirac et l'élection de Sarkozy, respectivement 34% et 50% des Français se disaient inquiets pour eux et leurs enfants », souligne l'Ifop. En 2012, « le pessimisme n'épargne pas les sympathisants du PS, avec 58% d'idées noires »… La côte de popularité d’un président n’est jamais tombée si vite aussi bas que celle de Hollande, plus même que Sarkozy qui s’était pourtant effondré dans l’opinion à un rythme vertigineux. La question de la légitimité des politiques menées se pose hélas à nouveau. Or, c’est la plus grave des questions, la plus lourde de dangers... Le 14 janvier 2014, lors d’une conférence de presse, François Hollande a choisi en dernier recours d’afficher clairement ce qu’il a toujours été malgré discours et postures : un ardent défenseur de la « social-démocratie », c’est-à-dire un partisan du fédéralisme, du régionalisme et du néolibéralisme européens. Immanquablement, les prochaines élections seront de réaction, des scrutins de colère populaire. Pour le meilleur ou pour le pire. D’où les craintes pour les européennes de 2014, surtout si les électeurs habituellement européistes ne trouvent pas suffisamment de motivation dans les faits pour se déplacer vers les urnes…

PRESIDENCE DE FRANCOIS HOLLANDE

Gouvernement AYRAULT

10 et 17 juin 2012 – ELECTIONS LEGISLATIVES. Dans l’ombre des présidentielles, ces élections ont vu l’abstention exploser une nouvelle fois. Pourtant, pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, l’abstention à ce type de scrutin a dépassé les 40% : avec 42,8% au premier tour et 44,6% au second, nous sommes désormais très loin des 15% d’abstentionnistes de mars 1978 ou même des 35,6% du premier tour de 2002. L’élection présidentielle, quelques semaines avant, n’avait pourtant pas connu une telle désaffection. Comment expliquer cette différence de traitement par les électeurs entre les deux scrutins ? On peut légitimement se poser la question des effets de la réforme du quinquennat (suite au piteux referendum du 24 septembre 2000). En effet, depuis 2002, les élections législatives coïncident avec les présidentielles (il avait été envisagé un moment d'inverser l'ordre en organisant les législatives avant les présidentielles). C’est à partir de ce moment que le décrochage des citoyens a clairement augmenté. Il est d’ailleurs symptomatique de constater que sur nombre de sujets, aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est désormais le Sénat qui fait office de contre-pouvoir. L’assemblée de 2007 comportait 228 élus PS et alliés. En 2012, ils sont 340, ce qui donne la majorité absolue au parti du vainqueur de la présidentielle. C’est inédit dans l’histoire de la Vème République, mais là encore, cette victoire est largement en trompe l’œil, le vote contre les sortants ayant largement été représenté. Pour les candidats de l’UMP et du Nouveau Centre, ce fut une claque. Passés de 343 à 230, ils ont fait les frais de la colère contre Nicolas Sarkozy, lui qui avait suscité tant d’espoir en 2007 et du coup autant de désillusion par la suite. A noter enfin, l’apparition de deux élus du FN dans l’hémicycle, quand bien même leur parti est une des principales causes de ce bipartisme écrasant, en neutralisant d'avance une opposition républicaine digne de ce nom qui peine à émerger.

7 avril 2013 – CONSULTATION REFERENDAIRE sur la COLLECTIVITE TERRITORIALE D'ALSACE. Alors que ce scrutin avait une valeur de ballon d'essai pour le reste du territoire national, en attendant la réforme territoriale à venir, dans une région que l'on pensait facile à convaincre, afin d'effacer les échecs corses et antillais de 2003, le non l'a emporté dans le Haut-Rhin et la forte abstention a invalidé le oui du Bas-Rhin. Le projet de fusion des trois collectivités alsaciennes (deux départements et une région) n'a pas été validée. Pour une analyse plus détaillée des résultats du scrutin, voir ici. Cependant, avec le précédent du non de 2005, bafoué dès 2007, certains n'hésitent plus à manifester leur mépris pour la voix populaire : moins de trois mois plus tard, en juillet 2013, un amendement parlementaire était voté pour supprimer la condition de referendum pour les évolutions institutionnelles des collectivités locales. Retoqué par le Sénat, rétabli par la Commission des Lois, avant d'être finalement mis de côté par la commission paritaire mixte en décembre 2013, le retour du projet a déjà été annoncé pour le printemps 2014, dans le cadre du projet de loi sur la régionalisation... A suivre, donc.

(Compléments 2014-2018)

23 et 30 mars 2014 – ELECTIONS MUNICIPALES. Premier vote sanction contre la politique de François Hollande, marqué par une abstention inégalée (plus de 36% au premier et au deuxième tour, du jamais vu). En 2008, le PS, alors dans l'opposition face à Sarkozy, avait remporté de nombreuses grandes villes comme Strasbourg, Toulouse, Amiens, Reims, Saint-Étienne, tout en conservant Paris et Lyon. En 2014, alors que Hollande est au pouvoir depuis moins de deux ans, la gauche perd 160 villes de plus de 10 000 habitants qui passent à l’opposition, alors que les deux principaux partis avaient organisé des primaires ouvertes dans plusieurs grandes villes (mais aucun des candidats désignés n'est parvenu à remporter le scrutin !). L'extrême droite gagne 14 villes, ce qui n’est jamais arrivé à ce niveau. Après la défaite, le gouvernement Jean-Marc Ayrault démissionne (beaucoup de ministres ont été battus). A noter que, pour la première fois, les délégués des communes de plus de 1 000 habitants au sein des communautés de communes, des communautés d'agglomération, des communautés urbaines et des métropoles sont élus lors des municipales. Plus de femmes sont candidates et élues du fait de l'obligation de parité abaissée aux villes de 1 000 habitants (le nombre d'élues est passé de 21 % en 1995, puis 34,8 % en 2008 à 40 % en 2014).

Gouvernement VALLS

25 mai 2014 – ELECTIONS EUROPEENNES. Le traité de Lisbonne, ratifié en novembre 2009, prévoit 74 députés pour la France (soit 2 de plus). L’abstention est de 56,5% (27,5 millions d’abstentionnistes, de votes blancs et nuls, contre 18,9 millions de votants exprimés). Le Front national arrive pour la première fois de son histoire en tête d'une élection nationale (avec 24,86 %, soit 4,7 millions de voix - 24 élus au lieu de 3 sortants), devant l'UMP (avec 20,81 % soit 3,9M de voix - 20 élus à la place de 25 sortants) et le PS au pouvoir (avec 13,98 %, soit 2,6M de voix - 13 élus). Des manifestations d’étudiants et de lycéens sont organisées le 29 mai dans toute la France pour protester contre le score obtenu par le Front national (rassemblant entre 10 000 et 30 000 personnes).

Remaniement du gouvernement VALLS

28 septembre 2014 - ELECTIONS SENATORIALES. Majoritairement élus par des délégués des communes, les sénateurs ont été renouvelés pour une moitié d’entre eux : suite à la victoire de la droite lors des municipales de mars, ces élections lui permettent de redevenir majoritaire au Sénat, trois ans après avoir laissé la majorité à la gauche. Gérard Larcher (UMP) succède à Jean-Pierre Bel (PS) à la présidence du Sénat.

22 et 29 mars 2015 – ELECTIONS DEPARTEMENTALES. Un redécoupage des cantons a été effectué entre les 13 et 26 février 2014, aboutissant à une réduction de leur nombre. Les élections départementales remplacent les élections cantonales. Pour la première fois, les conseillers départementaux sont élus, dans leur intégralité (et non plus par moitié), au scrutin binominal paritaire. Sur fond d’une abstention de 50 %, cette élection voit une nouvelle défaite de la gauche, qui ne détient plus la majorité que dans 30 départements alors que la droite remporte 27 nouveaux départements. Le FN fait élire 62 conseillers départementaux mais ne remporte aucun département.

6 et 13 décembre 2015 – ELECTIONS REGIONALES. Les élections sont repoussées en décembre, pour que les conseils des nouvelles régions puissent être installés début 2016. Ces dernières passent de 22 à 13 en métropole, selon la loi de janvier 2015 enterinée sous le gouvernement Valls, et qui apparaît comme un meccano institutionnel bricolé sur un coin de table par des apprentis sorciers de la politique qui n'ont plus d'idées ni de marges de manoeuvre, mais qui veulent laisser des traces de leur passage (le seul prétexte apparemment valable était les économies d'échelle, mais comme on pouvait s'y attendre, les coûts ont en fait explosé - voir le cas du referendum alsacien de 2013)... Depuis 2004, après la réélection de Chirac face à Le Pen, la gauche dominait les présidences de région : en 2004, elle avait remporté 20 régions sur 22 (sauf Alsace et Corse). En 2010, seule l’Alsace était restée à droite. Trois ans après la victoire de Hollande (très impopulaire, de même que son gouvernement), la gauche s’effondre au premier tour. La possible victoire du FN (qui triple son score) dans plusieurs régions entraîne le PS à retirer ses listes pour le 2nd tour en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en PACA. Au 2nd tour, l’abstention de 50% au premier tour diminue sensiblement à 41,5%. Le FN ne remporte aucune région. La droite arrive en tête dans 8 régions et la gauche en conserve 7. Les attentats du 13 novembre 2015 ont eu lieu peu avant le premier tour et ont conduit la plupart des partis à stopper leur campagne.

Gouvernement CAZENEUVE

23 avril / 7 mai 2017 – ELECTIONS PRESIDENTIELLES. Les deux partis de droite et de gauche dites "gouvernementales" avaient fait ce qu'ils avaient pu pour verrouiller le système, avec notamment le vote en 2016, par une majorité absolue de députés LR et PS, de la forte réduction de l'égalité de temps de parole, après la validation des 500 signatures, au profit d’une supposée équité, réalisée au doigt mouillé, pire encore, fondée sur les sondages du moment. Mais aussi avec la mise en place en 2016 de « primaires » à l’américaine (le PS en avait été le précurseur en 2012), afin d'occuper l'espace médiatique durant plusieurs mois (mission accomplie). Ces primaires, loin de légitimer leurs vainqueurs, ont tourné au fiasco : affaires à rebondissement et décrédibilisation de Fillon d’un côté, trahison de Valls et effondrement de Hamon de l'autre, mais surtout élimination brutale de l'ancien président Sarkozy qui s'était porté volontaire. Et, au final, la disparition au 2nd tour de la présidentielle des deux grands partis Les Républicains (20 % des voix pour Fillon, juste devant Mélenchon, sorti renforcé de cette campagne) et Parti Socialiste (6,3 % seulement!). Un camouflet historique, dans la droite ligne de la colère qui rumine depuis des années (contrairement à ce que chantaient ceux qui prenaient le peuple pour un poisson rouge sans mémoire, le vote bafoué de 2005 n'a pas été oublié). Mais la candidature de Macron ressemble fortement à une tentative de sauver les meubles en construisant une grande coalition au centre, de type bonapartiste, réunissant des hommes de droite et de gauche partageant la même vision ultralibérale, ou peu s’en faut. Cette candidature et le gouvernement qui en est sorti ont au moins le mérite de montrer que la porosité entre droite et gauche libérale-libertaire est maintenant assumée. Nous pouvons le voir positivement comme un début de clarification du débat.

Cette présidentielle est aussi un sommet d’abstention (25,4% au 2nd tour), ce qui en soi aurait déjà dû inciter le président élu à l’humilité face à un sentiment grandissant de dégoût et de désillusion, malgré l’espoir suscité chez beaucoup de citoyens à l’idée de renverser la table des partis en place. Malgré une campagne particulièrement médiatisée (on se souvient du nombre incroyable de « Une » en faveur du jeune Sauveur venu renverser la table des Anciens dépassés), Macron ne parvient qu’à obtenir les voix de 18,2 % des inscrits au premier tour. Pour la première fois depuis 1969, la participation au 2nd tour a été plus faible qu’au premier, malgré la présence de Marine Le Pen. En 2002, la présence de Jean-Marie Le Pen au 2nd tour avait fait baisser l’abstention et les votes blancs ou nuls de 2,5M de personnes. Cette fois, c’est l’inverse. Plus de 4M d’électeurs (8,5 % des inscrits) se sont rendus aux urnes pour voter blanc ou nul, deux fois plus qu’en 2012 (ce qui était déjà un sommet). Si l’on fait le total avec l’abstention, celaconcerne 34 % des inscrits au second tour (16M de personnes), du jamais vu ! C’est 4,5M de plus qu’au premier tour. C’est certes moins que Macron (qui n’a récolté que 43,6 % des inscrits au 2nd tour, là où Chirac en avait obtenu 62%, soit 82 % des exprimés), mais c’est plus que Marine Le Pen avec 22,4 % des inscrits). Le vote ni Macron ni Le Pen est donc passé à la deuxième place lors de cette élection. Pire, selon un sondage IPSOS en date du 6 mai, la part des électeurs qui ont réellement adhéré au programme politique de Macron est particulièrement faible : 43% disent avoir voté pour lui avant tout pour faire barrage à Marine Le Pen. 16% seulement (soit 7 % des inscrits) disent avoir voté pour son programme. Cela pose de sérieuses questions de légitimité, et son attitude ressentie comme arrogante ne laisse alors rien présager de bon (ses V de la victoire, son discours creux de remerciements et son repas de fête à la Rotonde le soir du premier tour). Voir notre analyse d'entre-deux tours.

PRESIDENCE DE EMMANUEL MACRON

Gouvernement PHILIPPE

11 et 18 juin 2017 – ELECTIONS LEGISLATIVES.  Emmanuel Macron obtient la majorité absolue pour son parti, La République en marche, avec 308 sièges, mais le scrutin est marqué par un taux d'abstention record pour des législatives en France (57,4 % au second tour), avec les 42 députés du MoDem, la majorité présidentielle compte 350 élus. Les Républicains obtiennent 112 députés, alors que le PS, majoritaire depuis 2012, n'obtient que 30 sièges. Enormément de personnalités du gouvernement de Hollande ou de députés sortants sont éliminés, souvent dès le premier tour (Benoît Hamon lui-même). La claque est très sévère. La France insoumise compte 17 élus, le PCF 11 et le FN 8. 415 élus sont des primo-députés.

Démission de Nicolas HULOT (4 septembre 2018)

17 novembre 2018 / ...  MANIFESTATIONS DES "GILETS JAUNES". Après de nombreuses petites phrases ressenties comme méprisante par les Français et une attitude jugée comme arrogante, Macron s'effondre dans l'opinion. Les politiques menées ne sont à vrai dire pas différentes de celles de ses prédécesseurs, comme on pouvait s'y attendre. La suppression de l'ISF en 2017 a été mal vécue. Le mouvement des Gilets Jaunes, sans représentants donc sans interlocuteurs pour le pouvoir, est soutenu par 85% des Français selon les sondages. L'étincelle de ce mouvement de fond de l'opinion a été une nouvelle taxe sur le carburant, comme symptome d'une injustice fiscale plus large et de nouveaux privilèges. L'édifice tremble, du fait de la décrédibilisation des "corps intermédiaires" et plus largement de la "représentation" : syndicats, partis politiques, médias, députés... En plus de la justice fiscale, la principale des demandes est celle d'une meilleure consultation du peuple, par le biais de consultations de type référendaire. Quoi qu'il en soit, ce mouvement laissera des traces profondes. Et s'il n'est pas entendu suffisamment il ne sera que le signe avant-coureur d'une déstabilisation plus forte encore.

Le 10 décembre, après avoir d'abord choisi de maintenir le cap, après avoir eu très peur le premier we de décembre où les cortèges des Gilets Jaunes ont failli prendre la direction du Palais de l'Elysée, le président Macron fait marche arrière et annonce une série de mesures, mais relativement floues afin de désamorcer la crise. Au nom d'un "état d'urgence économique et social", il annonce : 1. une revalorisation du Smic de 100 €, mais sans que cela ne coûte 1 € à l'employeur (on comprendra plus tard qu'il s'agit d'une petite manoeuvre sur la prime d'activité anticipée, pour une petite partie des travailleurs). 2. Des heures supplémentaires défiscalisées, rien de nouveau : déjà testées par Sarkozy, elles avaient déjà été annoncées en janvier 2018... mais pour fin 2019. Maintenant, c'est pour début 2019. Cela s'appelle tenir le cap, en ne le disant pas, et en augmentant même la cadence. De nombreux journalistes osent parler de virage social. Grosso modo, on vous propose de renoncer à une partie de votre salaire, en l'occurrence l'écart entre le brut et le net, tout en vous faisant miroiter un peu plus de net. Autrement dit on vous baisse votre salaire tout en vous disant droit dans les yeux qu'on vous l'augmente... et en plus vous devez applaudir. Qui plus est, ça n'incite pas à l'embauche, au contraire. 3. Une prime de fin d'année : les entreprises qui pourront ou voudront auront la liberté de faire don (ou pas) d'une prime de fin d'année. Autrement dit, je vous annonce un cadeau que d'autres vous feront peut-être... puisque je leur fais un rabais en les défiscalisant (comme le sont habituellement les primes, qui ne sont pas une nouveauté...). 4. La suppression provisoire de l'augmentation de la CSG pour les retraites (en fait les revenus) de moins de 2000 €. 10 ou 20 euros par mois, c'est la fête... 5. Un "grand débat". On va créer des commissions de réflexion pour organiser des comités d'activités réflexives. D'ailleurs, vous appelez ça comme vous voulez du moment que vous rentrez chez vous pour vous préparer la dinde et vous glacer la bûche. C'est une façon de sortir le parapluie en misant sur le pourrissement du mouvement populaire. Auparavant, Macron avait déjà annoncé sans succès le report de la taxe sur le carburant à l'origine du mouvement... afin d'y revenir plus tard avec plus de "pédagogie" (littéralement, l'art de conduire les enfants). Parce que les gaulois réfractaires, ces rois fainéants qui ne sont rien, il faut les prendre par la main pour traverser la route. Il aura fallu moins de 2 ans pour que l'illusion Macron s'effondre. Le ciel d'orage n'a jamais été aussi lourd. Les braises incandescentes des Gilets Jaunes brûlent sous la cendre. Plusieurs initiatives de listes Gilets Jaunes sont annoncées pour les européennes du mois de mai. Elle n'aboutiront à rien, du fait du caractère hétéroclite du mouvement.

 

(Compléments 2019-2022)

15 janvier - 15 mars 2019 – GRAND DEBAT NATIONAL. En réponse à la mobilisation des Gilets Jaunes, le président avait annoncé la tenue d'un Grand débat national : une "concertation d'ampleur nationale a pour objectif de redonner la parole aux Français sur l'élaboration des politiques publiques qui les concernent", autour de 4 thèmes (transition écologique, fiscalité, démocratie et citoyenneté, organisation de l'Etat et des services publiques). Des formulaires pouvaient être remplis dans une sorte de "cahier de doléances" numérique, ou dans des registres notamment dans les mairies, des débats publics ont été organisés sur les territoires (16 337 communes ont ouvert des cahiers citoyens soit environ 20 000 cahiers). Il y aurait ainsi eu 10 134 réunions d’initiatives locales (93% ont été restituées, avec six pages en moyenne par compte rendu) avec un nombre moyen de participants de 70 personnes par débat, 27 374 courriers et emails "libres", et près de 2 millions de contributions sur le site dédié, pour un volume estimé à 630 000 pages numérisées par la BN, pour celles qui ont été numérisées, mais toutes ne l'ont pas été sans que l'on sache combien.

Au moment de la restitution officielle, une moitié seulement des commentaires, propositions, demandes et colères qui devaient "remonter à l'Etat" ont été "traitées" informatiquement par un consortium privé "piloté par Roland Berger, associé à Cognito et Bluenove, prestataires spécialisés dans la civic tech, l’intelligence collective et le traitement de données de masse", missionné le 13 février 2019 dans le cadre d’un marché public. En avril 2022, après la réélection de Macron, contrairement aux promesses, les cahiers de doléance ne sont toujours pas accessibles sur internet. Pire, il est difficile de les consulter, certaines sont déposées aux archives départementales, mais avec une mention NC (non communicable), sous un délai de 50 ans. Quant aux résultats, Emmanuel Macron annonça une série de mesure, dont la suppression de l'ENA (qui programme la destruction systématique de l'État et de ses différents corps (préfectoral, diplomatique, etc). Surfant sur le sentiment anti-élite, anti-méritocratie, le modèle McRon, celui de la Start-up Nation, permet encore davantage l'entre-soi des copains, le népotisme, la porosité public-privé, au motif trompeur d'une supposée modernisation de l'action publique. Le sentiment qu'il reste est celui d'un grand gâchis.

26 mai 2019 – ELECTIONS EUROPEENNES. Sur fond de contestation sociale qui perdure, Emmanuel Macron, probablement pour favoriser son parti LReM qui n'a pas de véritable ancrage local, décide de revenir au mode de scrutin de 1999, soit une seule liste nationale là où depuis 20 ans, les élections européennes se réalisaient certes aussi à la proportionnelle (avec un seuil à 5% pour obtenir des sièges), mais sur 8 circonscriptions inter-régionales. L'abstention est alors en diminution de presque 8 points avec un taux de 50% tout de même. Le Rassemblement National arrive en tête avec 23,3% des exprimés, de peu devant LReM avec 22,4%, paradoxe pour une élection européenne. En troisième position, les Ecologistes doublent la mise avec 13,5%, devant LR qui se prend sa première grosse claque électorale avec 8,5% des suffrages. La France Insoumise s'effondre aussi à 6,3%. Et le PS se stabilise à 6,2%.

15 mars et 28 juin 2020 – ELECTIONS MUNICIPALES et COMMUNAUTAIRES. Après de nombreuses hésitations et controverses (les rassemblements de plus de 100 personnes étant interdits depuis le 13 mars, l'acte 70 des Gilets Jaunes étant quant à lui maintenu le samedi 14, donnant lieu à des violences et de fortes répressions), le premier tour des élections municipales se tient le 15 mars 2020. Le second tour était prévu le 22 mars, mais la tenue du scrutin est annulée et reportée sans date du fait de l'état d'urgence et du confinement (du 17 mars et jusqu'au 11 mai). L'hypothèse de l'article 16 de la Constitution avait été envisagée (article jamais utilisé sauf par De Gaulle lors du putsch des généraux en 1961). Après des débats sur la constitutionnalité du report, sur la sincérité du scrutin, sur la nécessité ou non de refaire un premier tour (avec une abstention de 55%, 19 points de plus qu'en 2014, le pire taux de l'histoire des municipales, qui n'avait jamais dépassé les 37% d'abstention, en 2017), le second tour se tiendra finalement le 28 juin 2020 (abstention de 59%, 20 points de plus), de même que l'élection des maires et adjoints des 30 000 communes dont les élus sont sortis au premier tour, souvent parce qu'il n'y avait qu'une seule liste : l'une des caractéristiques de ces élections municipales a notamment été la difficulté à renouveler les équipes par manque de nouvelles vocations.106 communes, dont quatre de plus de 1 000 habitants, se retrouvent sans candidat ou sans liste (presque deux fois plus qu'en 2014). Près de la moitié des maires ne se représentent pas. Les Verts sont les principaux vainqueurs du scrutin dans les grandes villes (Grenoble, Strasbourg, Lyon, Besançon...). Le PS et LR se maintiennent. Le parti de Macron obtient des résultats très décevants, les élections municipales sont un échec avec très peu de conseillers municipaux LreM. Le RN, globalement en recul, obtient une ville de plus de 100 000 habitants pour la première fois depuis 1995 (il s'agit de Perpignan).

Gouvernement CASTEX (depuis le 3 juillet 2020)

27 septembre 2020  ELECTIONS SENATORIALES. La moitié des 348 membres du Sénat sont renouvelés au suffrage indirect des grands électeurs. Aucun grand changement à noter : Gérard Larcher est réélu à la présidence du Sénat. Les LR gagnent 4 sièges à 148. Le groupe socialiste perd 6 sièges en passant à 65. Le groupe centriste est passé de 51 à 53 et le groupe LRem reste à 23.

1er janvier 2021 – Création de la COLLECTIVITE TERRITORIALE D'ALSACE. Les Conseils Départementaux du 68 et du 67 ont été politiquement fusionnés en un seul Conseil. Mais les Départements en tant qu'entités administratives demeurent (donc les Préfets et les administrations départementales). Et la nouvelle Collectivité Européenne d'Alsace (la CEA, c'est son nom... mais qu'a-t-elle d'européenne plus que d'autres départements frontaliers ?) reste intégrée à la Région Grand-Est. En gros, c'est le Conseil des Départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin Réunis, si on lui donne un nom véritable au-delà des apparences. Pour mémoire, le 7 avril 2013, contre le lobbying des élites politiques et médiatiques, les Haut-Rhinois avaient clairement refusé la fusion des deux Départements avec 55,7% des voix, et le Bas-Rhin n'avait pas atteint le seuil des 25% de participation. On promettait d'illusoires économies d'échelle, une supposée simplification administrative. La fusion des Régions a prouvé l'inverse. Sans aucun horizon, sans aucun idéal, sans véritables arguments consistants (du moins rendus publics), les bricoleurs institutionnels à la petite semaine ont réussi à proposer pire en le faisant revenir par la fenêtre, dans le dos des citoyens, en profitant du rejet compréhensible du Grand-Est : un "Machin" plus grand, plus éloigné, plus illisible encore, sans économies d'échelle à espérer, au sein d'un autre Machin encore plus Grand et plus coûteux (le Grand-Est). Les Alsaciens voteront donc désormais le même jour (voir point suivant) : - d'une part, pour des "conseillers d'Alsace", dont les documents de propagande électorale sont cantonaux, et qui siégeront dans une Collectivité spécifique dénommée Collectivité européenne d'Alsace. Ce sont les élections départementales. Il s'agira donc d'élire des "Conseillers Départementaux de la Collectivité Européenne d'Alsace" ; - d'autre part pour des "Conseillers régionaux du Grand-Est", dont les documents de propagande électorale sont habituellement départementaux (et en Alsace, cela correspond désormais à la "Collectivité Européenne d'Alsace", ce grand Département différent). Ce sont les élections régionales. Comment ne pas avoir mal à la tête ? Pourquoi ces bricolages institutionnels à répétition au nom de la simplification du soi-disant "mille-feuilles institutionnel", et pas seulement en Alsace ? Expression d'egos démesurés qui veulent se tailler de nouvelles baronnies et/ou laisser leur (funeste) trace dans l'Histoire ? Haine de la France ? Incompétence ? Manque de vision surplombante nationale avec un repli sur le local ? Réduction des questions internationales au simple transfrontalier ? Pour mémoire, au XVIIIème siècle, Voltaire se plaignait du fait que traverser le royaume de France était un sacré casse-tête, car l'on y changeait plus souvent de loi et de juridiction que de cheval... Vivement l'esprit rationnel et citoyen de la Révolution de 1789 qui avait inventé le département pour clarifier le fouillis des Provinces d'Ancien Régime. Il est peut-être là le "truc" pour renouer avec les électeurs.

20 et 27 juin 2021 – ELECTIONS DEPARTEMENTALES et REGIONALES. Les deux scrutins prévus en mars sont repoussés en juin du fait de la situation sanitaire. Ils sont marqués par un nouveau record absolu d'abstention, celle-ci ayant fait un saut de 15 à 25 points en plus (66,7% au premier tour ; 65% au second). Jamais aucune élection n'a atteint un tel niveau d'abstention sous la 5ème République, pas même les élections européennes (hormis le referendum sur le Quinquennat en 2000 et celui sur le statut de la Nouvelle-Calédonie en 1988). Autre fait marquant : le gouvernement a fait le choix de sous-traiter à l'entreprise privée Adrexo la traditionnelle distribution des professions de foi des candidats : au moins 1/4 des électeurs n'a rien reçu pour le premier tour, cela concerne 40% d'entre eux au second tour, allant jusqu'à 80% dans certains départements. Des cartons entiers de documents électoraux sont trouvés dans des champs ou des forêts. La Commission des Lois du Sénat affirme que ces pourcentages sont sous-évalués, que la faute en revient tant à l'entreprise privée qu'au ministère de l'intérieur et que cette situation a joué sur l'abstention. Par ailleurs, dans certains bureaux de vote, les bulletins de certaines listes ne sont pas arrivés. Concernant les Départementales, de nombreuses "collectivités à statut particulier" ne sont plus concernées : la Ville de Paris (fusion de la commune et du département de Paris) ; la Métropole de Lyon (fusion du département et de l'intercommunalité) ; les Collectivités Territoriales Uniques de Guyane, de Martinique, de Corse (qui fusionnent les compétences départementales et régionales). En Alsace, une "Collectivité Européenne d'Alsace" est élue pour la première fois (fusion des deux conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin), en parallèle de l'élection régionale du Grand-Est. Aux Régionales, les listes de LReM sont éliminées pour la plupart dès le premier tour et ne remportent aucune Région, c'est une claque pour Macron et plus particulièrement pour les 15 ministres-candidats qui vont retourner trôner comme si de rien n'était (en Alsace, où l'abstention atteint un sommet à 71%, c'est Brigitte Klinkert avec un "score" de 10% des exprimés, c'est-à-dire environ 3% des inscrits, qu'elle pousse à 6% juste en Alsace...). Le RN qui perd 5 à 20 points par rapport aux Régionales de 2015 n'accède à aucune position de responsabilité régionale (il fait notamment face à un "front républicain" en région PACA où la liste de gauche (PS, Verts...) se retire à la faveur de Renaud Muselier (LR). Quant à la FI, elle paye très probablement sa stratégie "minoritaire" depuis 2017 et réussit l'exploit de faire renaître le PS. La quasi-totalité des sortants est reconduite : LR et ses alliés conservent 7 régions ; le PS et ses alliés en conservent 8 (avec toutes les régions d'outre-mer). La Collectivité Unique de Corse reste aux mains des autonomistes.

10 et 24 avril 2022 – ELECTION PRESIDENTIELLE. Lors du premier tour : l'abstention a augmenté en passant à 26%, auxquels il faut ajouter 1,5% de bulletins blancs ou nuls. / Macron avait annoncé qu'il ferait baisser le FN et les votes protestataires. Le contraire s'est produit. Si l'on cumule les abstentionnistes et les votes d'opposition, par rapport aux partis dits de gouvernement dont LReM, on obtient 68% des inscrits ; l'expression protestataire n'a jamais été aussi impressionnante. / Les sondages ont une nouvelle fois montré leurs limites (avec des écarts de volatilité de l'électorat de plus de 5%, ce qui devrait suffire à les discréditer largement) mais aussi leur usage politique, en faisant apparaître des tendances qui provoquaient lesdites tendances, dans des sortes de prophéties auto-réalisatrices (il faudrait obliger les sondeurs à publier leurs résultats bruts et les critères qu'ils utilisent pour les corriger, parfois de plusieurs points, avant de publier leurs résultats aménagés). / Le PS s'est encore davantage effondré, à moins de 2%, il est passé sous le seuil de remboursement de la campagne. Ce qui pourrait finir de l'achever. Hidalgo a obtenu 2,11% des suffrages à Paris, ville dont elle est la Maire, peut-être les Parisiens ont-ils voulu la garder rien que pour eux. / Avec moins de 5%, les frais de campagnes seront aussi douloureux, si ce n'est létaux, pour l'ex-RPR-UMP LR, qui s'est aussi fait aspirer par le centrisme macroniste de type bonapartiste (qui était au XXème un "en même temps" les principes républicains ET l'institution monarchique, avec un grand centre qui écrasait les autres partis, par absorption). / L'écologie politique a fait long feu, rappelant que l'écologie n'a de sens que lorsqu'elle s'inscrit dans un projet politique global et plus solide, le candidat Yannick Jadot est aussi resté sous la barre des 5%. / Avec 7%, Zemmour a assez logiquement fait pschiiit (devant les LR tout de même), parce que la politique migratoire, qui est une question sérieuse, ne peut pas être le seul axe d'une politique, surtout celle qu'il propose, et parce que ses outrances et maladresses ont fini par le rendre imbuvable même chez les fans du polémiste de plateau TV. / Avec 23% des voix, Marine Le Pen reste tout juste au-dessus des 22% de Mélenchon (durant la nuit, les scores des villes ont réduit l'écart de 1,5 millions de voix à 400 000, faisant douter les présentateurs sur une possibilité de renversement des tendances annoncées en grande pompe à 20h, c'eut été une première). Lors du débat de second tour à nouveau minable, la candidate RN ne s'empare même pas des véritables failles de Macron : par exemple la gestion de la crise sanitaire avec la création de cet OPNI - objet politique non identifié, parce que n'existant pas dans nos Institutions - qu'est le conseil de défense sanitaire, ainsi que la scandaleuse affaire McKinsey qui n'est que l'une des facettes de la démolition systématique de l'Etat qui est en cours (avec la suppresion du corps préfectoral, du corps diplomatique, etc. au nom d'une pseudo modernisation des pouvoirs publics)... Marine Le Pen n'ayant pas elle-même les mains propres, notamment sur ses financements russes, et n'ayant pas plus de vision politique davantage républicaine sur ces questions. Cela dit, Macron a lui aussi été d'une platitude affligeante lors de ce débat, où il a mis mal à l'aise par son attitude hautaine et méprisante : aucune souffle politique, aucune vision sur le long terme... à l'image du technocrate, banquier, ingénieur social qu'il est. Déjà, quand on sait que thème du "pouvoir d'achat" avait été sélectionné par les deux candidats pour être le premier, on pouvait comprendre qu'on avait affaire à deux stratégies populistes qui ne parleraient pas ou peu des questions de fond. Plus que jamais, Marine Le Pen est le meilleur allié de Macron. Ce dernier a certes clarifié la fausse opposition dont nous étions les victimes politiques et qui nous obligeaient les Français à voter pour une alternance factice entre la droite et la gauche néolibérales. Son cadeau le plus empoisonné, et il le sait, c'est de flatter le RN durant tout son mandat, en le titillant sur ses plates-bandes, en en faisant son ennemi providentiel, pour se retrouver en duel avec son ennemie préférée. / C'est impressionnant de voir combien Marine Le Pen l'héritière, après avoir été normalisée après qu'elle ait remis la main sur le parti de papa, a été hiltérisée dans l'entre-deux tours de 2017 avant d'être à nouveau normalisée, accueillie sur tous les plateaux avec une complaisance mielleuse (au point d'en faire une "mémère à chat", dans certains reportages), puis à nouveau brusquement "point-godwinisée". Le risque de cet exercice dangereux, c'est qu'un jour cela ne marche plus, malgré les vraies casseroles et les solides dossiers qui ne sortent des tiroirs qu'en des moments choisis. L'effet devient contre-productif quand les ficelles sont si grosses. / Mélenchon (qui n'est pas totalement resté sur la ligne de 2017, en acceptant dans ses rangs des racialistes qui ont par exemple mis à mal la ligne laïque d'un Henri Péna-Ruiz, parti en 2019 vers le PCF) est de fait à plus de 50% sur les mêmes positions qu'affiche Le Pen. Certains disent à 80% (relativisons en rappelant qu'il n'y a que 1% de différence génétique entre le chimpanzé et l'humain, et que la différence reste pourtant substantielle). Mais Le Pen sert à salir une grosse partie des idées dont elle s'est emparée (de même que les racialistes de Mélenchon vont probablement l'empêcher de devenir présidentiable, malgré un fort vote communautaire musulman en sa faveur, ce qui est une première dans les élections en France. Le Pen, profond ferment de division, sert aussi à lepeniser toute personne qui se prononce pour des idées similaires. / Après la crise sanitaire et avec désormais la guerre en Ukraine, le front néolibéral de Macron est bien obligé de mettre de l'eau dans le vin de sa "mondialisation heureuse" et de son sans-frontièrisme benêt (liberté de circulation pour les marchandises et les capitaux, ainsi que pour les humains mais considérés comme des marchandises). Macron qui a vendu de l'Alstom à la découpe s'est mis à en racheter aux Puces, mais en pleine période électorale... / A l'opposé, un nombre croissant de citoyens est à la recherche de ses représentants, en protestant comme il peut, maladroitement voire contre-productivement, au nom d'une relocalisation, d'une réindustrialisation, d'un patriotisme économique qui ne vendraient pas les intérêts de la Nation aux brigands de la finance. Certains s'égarent stupidement dans le nationalisme souchien (la Nation ethnique, et parfois le régionalisme ethnique, tout aussi dangereux) sans voir que c'est mettre sa tête sur le billot du bourreau, en rendant stérile son vote ou, au "mieux", en préparant les déstabilisations du futur s'il devait parvenir au pouvoir. D'autres espèrent pouvoir un jour renouer avec les idéaux révolutionnaires de 1789, le sang en moins, cherchant à faire advenir une nouvelle fois le citoyen, là où ils s'estiment à nouveau les sujets d'un empire, celui de la finance dérégulée et déréglée, qui broie les corps et aspire les âmes. Mais pour cela, il n'y a pas d'autres choix que de s'appuyer sur la Nation civique, sur la souveraineté populaire et sa volonté d'indépendance politique. Quoi qu'il en soit, l'offre politique est dispersée et le vote reste majoritairement protestataire.

Dès le soir du second tour, après quinze jour d'une nouvelle campagne sur le Front Républicain et le barrage à l'extrême-droite, le déferlement d'éloges et d'autosatisfaction chez les proches de Macron et sur les plateaux TV ("c'est une large victoire", "le président le mieux élu", "soirée de fête", cela vaut "reconnaissance que la politique menée était la bonne"), avec des ministres qui dansent sur le champ de Mars, est indécent. Une mise au point factuelle aurait dû calmer les ardeurs excessives, mais l'essentiel était dans l'image, attention toutefois au retour de manivelle. Cette élection est en effet marquée par : 

* un niveau record d'abstention : 28%, le pire taux au second tour de la présidentielle de toute la 5ème République depuis les 31% de 1969 ; avec 1,5 million d'abstentionnistes en plus que 2017 !
* un important vote blanc et nul (invisibilisé durant la soirée électorale) : 8,6% des votants, 2ème place depuis 1965, juste après le sommet à 11,5% du premier duel Macron Le Pen en 2017 !
* seulement 38,5% des inscrits se sont exprimés en faveur de Macron, pire score présidentiel depuis Pompidou en 1969 (lorsque la gauche avait boycotté le scrutin) !
* un sondage a d'ailleurs indiqué que pour la moitié d'entre eux, les bulletins Macron ont été mis dans les urnes en mode "castor" pour "faire barrage" à Marine, parfois du bout des doigts ou une pince à linge sur le nez, ce qui revient au ratio du premier tour où un électeur sur 5 seulement a réellement voté pour le bilan ou le programme de Macron ! Question légitimité, on fait mieux. L'impression pour certains de s'être fait cocufier pourrait nuire à la suite des événements.
* un fossé grandissant entre les zones rurales et urbaines, mais aussi entre les déclassés d'une part et ceux qui surnagent dans l'océan mondialisé.
* une dynamique négative pour Macron avec la montée des positions extrêmes et protestataires (presque 3 millions de voix en plus pour Le Pen par rapport à 2017 alors que le candidat LReM annonçait alors qu'il ferait baisser le FN, et 2 millions de voix en moins pour Macron) !
* 17 points d'écart, ce serait "beaucoup", comme se félicitent Blanquer ou encore Bayrou, bras dessus bras dessous avec Manuel Valls : faut-il leur rappeler qu'il y avait 30 points d'écart en 2017 et 64 points d'écart en 2002 dans le premier duel de second tour avec Le Pen père ? En 2002, Le Pen, c'était 18% ; en 2017, c'était 34% ; en 2022, c'est 42%.
* Dans un discours plus digne que ses propres soutiens, Macron dit en grand seigneur qu'il va faire son possible pour écouter les Français qui ne l'ont pas soutenu... en fait, derrière la rodomontade de façade, il n'a pas vraiment le choix ! Du moins en apparence. Pour les actes, il faudra juger sur pièce.
* Il en va aussi de même pour les 27,3% des inscrits en faveur Le Pen, dont un électeur sur deux annonce avoir voulu avant tout faire barrage à Macron (c'est la bataille des castors). Il ne reste donc plus qu'une petite 15aine de pourcents de marinistes avérés.
* La grille d'interprétation du racisme, de la France moisie et rabougrie n'est donc pas très pertinente, surtout au regard des scores de Le Pen en Guadeloupe (70%), en Martinique (60%) ou encore en Guyane (60%), alors que ces territoires avaient largement mis Mélenchon en tête à plus de 50% au premier tour. En rester à ce niveau de compréhension, ce serait ne rien comprendre ni à l'histoire ni surtout à l'actualité : il y a moins de 6 mois, avec un très faible écho médiatique en métropole, Macron envoyait aux Antilles le RAID et le GIGN, des forces spéciales habituellement mobilisées contre le terrorisme, pour répondre à la mobilisation sociale, aux manifestations contre passeport sanitaire numérique et la suspension des soignants, sur fond de revendications et de traumatismes collectifs plus profonds encore. Sans évidemment nier le vieux fond racialiste et xénophobe d'une partie conséquente des partisans de la mouvance Le Pen, c'est ici une énorme colère qui s'est exprimée, et ce n'est pas en niant le problème, ni en ridiculisant les ultramarins façon Bidochon avec la morgue superbe de l'esprit supérieur, ni en diabolisant les électeurs qui ont fait ce choix que nous règlerons le problème. Encore moins en dansant sur le champ de Mars (sic). Les émeutes ont été terribles et si l'on ne se promenait pas sur des réseaux comme Twitter, avec les bons hashtags, ou si l'on n'avait pas de contacts directs là-bas, le phénomène était presque transparent en métropole, tout au moins largement étouffé sous un oreiller de plumes et de plomb. La répression judiciaire a été massive et sidérante, sans que l'on ne voit beaucoup de contestation en métropole (parfois par paresse politique, aveuglement idéologique, ou plus certainement par ignorance de ce qui se passait là-bas). Surtout pas chez ceux qui ont la "gueule" la plus ouverte pour conspuer les méchants électeurs qui votent le diable alors qu'ils ont connu l'enfer. Quoi qu'il en soit, quoi qu'il nous en coûte intellectuellement, ce paradoxe d'un Outre-Mer lepenisé nous démontre une nouvelle fois la gravité de la situation et la nécessité de remettre certains réflexes intellectuels sur la table en les interrogeant par la racine. Et ce résultat n'est hélas probablement qu'un signe avant-coureur de ce qui nous attend avec Macron II. Le tragique de la situation, c'est qu'elle ne laissait le choix qu'entre le RN et le type dont la politique fait monter le RN (et l'abstention)... Vu tous ces éléments, un peu plus d'humilité ne ferait pas de mal.

PRESIDENCE DE EMMANUEL MACRON II

Gouvernement ............???............

juin 2022 – ELECTIONS LEGISLATIVES.

[...] Seul fait marquant pour le moment : la campagne faite par Jean-Luc Mélenchon demandant aux Français de l'élire premier ministre, sous-entendant qu'en mettant le parti LReM en minorité à l'Assemblée Nationale, il est possible d'imposer à Macron un gouvernement de cohabitation. Mais déjà la potentielle candidature de personnages sulfureux comme Taha Bouhafs font apparaître des lignes de fracture et des points de discorde qui pourraient discréditer la FI en la livrant à sa frange d'activistes anti-universalistes (celle qui a eu la peau du philosophe Henri Pena-Ruiz, spécialiste de la laïcité).

A suivre...

                    LAVARENNE Mathieu

 

A venir : crise sanitaire (2020-...), législatives (2022)...

 

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Commentaires
P
EXCELLENT compte-rendu! <br /> <br /> Merci!
Répondre
B
rien de neuf ou qui risque de calmer les choses ...😍💋
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