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30 mars 2007

La métamorphose de Nicolas Sarkozy : "J'ai changé !"

La métamorphose de Nicolas Sarkozy ?

MetamorphoseOn le connaissait nerveux, agité et mordant, mais c’était avant sa récente métamorphose. Soucieux de son image, et persuadé que la bataille de la présidentielle se gagne aussi sur ce terrain-là, Nicolas Sarkozy souhaite dorénavant se présenter sous un jour plus apaisé, donc plus rassurant. Et ce d’autant que les études d’opinion des six derniers mois montraient que la posture et les prises de positions tonitruantes du candidat-ministre suscitaient de « l’inquiétude » chez les sondés, y compris parmi ceux tentés par le vote Sarkozy. En cas d’élection, Sarkozy ne fera sans doute qu’augmenter la puissance de la bombe politique et sociale qui ne manquera d’exploser lorsque le discours sera confronté aux actes.

Selon un spécialiste (sollicité par Arrêt sur Image, le 11 février dernier, sur France 5), la mutation est assez exceptionnelle pour être remarquée : rarement un homme politique aura autant modifié sa voix en si peu de temps. Beaucoup plus grave, littéralement parlant, plus lente aussi qu’il y a quelques mois. Une voix de velours, suave et enchanteresse, qu’il a « inaugurée » lors de son discours d’investiture du 14 janvier 2007, dont la partition jouait le « j’ai changé » sur tous les tons.

Toutefois l’image ne suffit pas. Car les mots aussi ont changé, et avec eux le message. Mais qui croire ? L’homme qui, le 12 septembre 2006 à Washington, dénonce « l’arrogance française » et laisse augurer d’une « rupture » dans la politique étrangère de la France ? Ou bien celui du 28 février 2007 qui rend hommage à « l’action exemplaire » et à « la lucidité » de Jacques Chirac et à sa lucidité sur la guerre d’Irak ? Qui croire en effet ? L’homme qui depuis des années se montre fasciné par le modèle libéral anglo-saxon ? Ou bien celui qui se présente maintenant comme son rempart pour sauvegarder la France de la toute puissance du marché ?

Du libéralisme à l’interventionnisme ?

L’émission « A vous de juger » du jeudi 8 mars 2007, présentée par Arlette Chabot, qui invitait une nouvelle fois Nicolas Sarkozy, lui a permis de se livrer à un exercice de haute voltige politicienne. A tel point qu’on pouvait effectivement se demander si c’était le même homme qui parlait. « J’ai un cœur comme tout le monde qui bat à gauche, mais avec pudeur », a-t-il déclaré. Fallait-il l’entendre au sens physiologique ou bien politique ? On s’interroge. Face à Eric Le Boucher, éditorialiste du Monde, d’obédience libérale, qui l’interrogeait sur la place de l’Etat dans l’économie, il a répété à plusieurs reprises que « le marché ne peut pas tout », que « le marché ne dit pas tout ». Ce qui détone dans la bouche de Nicolas Sarkozy qui a manifestement changé d’avis et, ce faisant, pris le contre-pied électoral de la Phrase de Lionel Jospin affirmant au JT de France 2, le 16 septembre 1999, alors que la crise Michelin battait son plein, qu’« il ne faut pas tout attendre de l’Etat ou du gouvernement ». Mais la leçon du candidat malheureux de 2002, qui a bel et bien été jugé sur son bilan par les français, semble aussi avoir été comprise par la candidate socialiste qui a accusé l’Etat d’« impotence » dans l’affaire Airbus, le premier mars dernier. On ne peut évidemment que se réjouir de telles prises de positions. Sont-elles toutefois compatibles avec les autres parties du programme des dits-candidats ? Sont-elles solubles dans leur projet d’ensemble ?

Dans la foulée, le "nouveau" Sarkozy a vigoureusement récusé la théorie de l’avantage comparatif, selon laquelle les pays doivent se spécialiser dans le secteur où ils sont les plus compétitifs, la main invisible du marché faisant le reste. La France devrait au contraire avoir une « politique industrielle volontariste » et l’Etat devrait intervenir davantage pour impulser les projets (« mettre le paquet » en Recherche et Développement) et empêcher les naufrages, par exemple dans le cas d’Alstom, et aujourd’hui d’Airbus, avec son « problème d’actionnaires qui ne veulent pas augmenter le capital ». De fait, Nicolas Sarkozy ne manque plus une occasion de rappeler ses "faits d’armes" en tant que ministre de l’Economie et des Finances (le plan avait en fait été décidé par son prédécesseur Francis Mer) lorsqu’il avait « sauvé 25000 emplois » à Alstom, en 2004, à la suite d’âpres négociations avec la Commission de Bruxelles visant à faire accepter l’intervention de l’Etat dans le capital de l’entreprise, et au risque assumé de « froisser le gouvernement allemand » quand l’intérêt de la France est en jeu.

Des industries sont stratégiques, insistait-il, et doivent rester sous contrôle de l’Etat : l’industrie pharmaceutique par exemple, qui bénéficie des remboursements de la Sécurité Sociale, mais aussi l’énergie. Après une longue liste énoncée par Nicolas Sarkozy, Eric Le Boucher lui rétorquait ironiquement que les entreprises qui, finalement, entrent dans le champ d’intervention de l’Etat selon Sarkozy, c’est le CAC 40. Sarkozy, ensuite présenté dans un court reportage comme ne ratant pas une occasion pour se montrer proche et admiratif des travailleurs manuels, propose en outre de taxer davantage les bénéfices des entreprises qui suppriment des emplois, ainsi que celles qui n’investissent pas suffisamment, particulièrement sur le territoire national. Louables propositions mais qui ont besoin d’un souffle d’ensemble pour prendre sens (voir cet article sur la politique industrielle).

Enfin, la précarité aussi le préoccuperait. Il n’est pas normal qu’une personne qui trouve un travail à temps partiel gagne moins que RMI et Allocation Logement réunis. Proposition de Sarkozy : que l’on puisse cumuler allocations et salaire pendant une durée de deux ans.

Faire France

Manifestement, Nicolas Sarkozy veut dorénavant “faire France”. Il semble vouloir tenter la recette de la fracture sociale, qui avait si bien réussi à Chirac en son temps. Et prendre la posture du gaulliste social (le Général étant d’ailleurs cité au courant de l’émission, une fois n’est pas coutume) qui ne craint pas de citer les figures tutélaires de la gauche : Jaurès, Blum, Ferry, tous les républicains de la Troisième, se trouvant réunis dans ses discours (officiellement écrits par Henri Guaino).

Peut-on imaginer que les discours plus anciens étaient à destination de ceux qui « savent » entendre, et maintenant que la campagne a pris de l’ampleur, les discours actuels s’adresseraient au « populo », celui qui ne serait qu’un Bidochon et qui aurait besoin d’être brossé dans le sens du poil, avant qu’on ne souhaite de lui qu’il se rendorme jusqu’aux élections suivantes, en se résignant à son sort ? Certains indices peuvent le laisser penser : ainsi la complaisance de certains éditorialistes avec de telles propositions dans la bouche de Sarkozy, à l’opposé de celles qu’il défendait quelques temps auparavant, et qu’eux-mêmes attendent de leur champion...

Pour finir, deux remarques opposées, mais corrélatives :
- la danse du ventre que Nicolas Sarkozy vient d’entamer sous nos yeux n’a d’autre objectif que la séduction de l’électorat français et il y a fort à parier que les promesses, et les vaines paroles ne se transformeront pas en acte le cas échéant ; ou plutôt que les actes "volontaristes" d’un Sarkozy élu ne seront plus forcément en conformité avec les paroles électorales.
- Nicolas Sarkozy, ou encore Ségolène Royal, s’inspirent des études d’opinion dont les résultats se répercutent assez rapidement dans leur démagogie : on se rassure souvent en constatant ce par quoi les français sont séduits, ce qu’ils veulent entendre dans la bouche de leurs politiciens. Preuve aussi que ces derniers ont bien compris ce que veut le Peuple... mais preuve aussi qu’ils n’aiment peut-être pas la démocratie, ni le Peuple qui la fonde.

La France est toujours prête pour une politique conforme à sa tradition et à ses ambitions. Ce que les démagogues modernes ont compris, sans l’assumer réellement.

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