La sourde révolte contre l’adoption en catimini du Traité de Lisbonne
Il faudra s’en souvenir. Alors que le casse démocratique du siècle se déroulait sur la place publique (Versailles, Assemblée Nationale et Sénat), c’est peu de dire que nos médias se sont montrés majoritairement timorés sur le sujet, quand ce n’était pas tout simplement inexistants, voire purement mensongers : il suffit de penser à la formule “traité simplifié” dont personne n’a remis en cause le caractère trompeur.
Prenons le cas de deux de nos plus grands quotidiens nationaux. Le lendemain du vote au Congrès permettant la ratification parlementaire, la Une de Libération titrait sur les primaires aux Etats-Unis : « Wanted candidat(e) ». Un article en page 13 (après Sylvie Vartan et le carnaval de Rio) se donnait pour titre : « Les socialistes pas fâchés de se débarrasser du traité de Lisbonne ». Comme si c’était le fond du problème... Quant à l’édition du vendredi 8 février, elle titrait sur « le plan galère de Fadela Amara » et il fallait aller en page 9 pour lire « Paris dit oui et rassure l’Europe ». Au fait, c’est qui l’Europe ?
Absolument rien dans l’édition du Monde du 5 février (publiée la veille au soir), tandis que celle du 6 février mettait en avant le scandale de l’« hormone de croissance ». Un petit encart en bas de Une indiquait « Traité européen : voie ouverte à la ratification ». Et juste à côté : une énorme publicité (9x14cm) pour le dernier livre de Nicolas Sarkozy, photo et citation à l’appui (« d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu agir »). L’édition du vendredi 8, après le débat nocturne et le vote positif de l’Assemblée Nationale ? Pas un mot. "Chut, on ratifie !"
A (maigre) décharge pour Libération, la page 5 de l’édition de vendredi, dans la rubrique « Le contre journal : l’actualité vue par les lecteurs et les libénautes », sous le titre : « Ratifier Lisbonne, une forfaiture ». Le bouillonnement du net est rapporté : « C’est par centaine que les internautes ont dénoncé, sur Libération.fr, la ratification du traité de Lisbonne par la voie parlementaire. Des blogueurs déplorent un déni de démocratie et l’absence de débat ». Et de citer 3 témoignages... sans se mouiller.
De fait, l’internet a chauffé pendant cette semaine noire pour la démocratie. Il suffisait de se promener de forums en forums sur les pages “actualités” d’innombrables sites : peu nombreux étaient les défenseurs de la cause parlementaire. Au contraire, les mots les plus violents explosaient de partout, en feu d’artifice de la contestation. Mais le couvercle a été délibérément maintenu sur la marmite bouillonnante de la révolte des citoyens.
Une chose est sûre, c’est que cette forfaiture se paiera un jour ou l’autre. Certainement très cher. Les discours se sont radicalisés. La sauce de la violence sociale est en train de monter. Il est urgent de réagir, politiquement parlant. Avant que cela ne dégénère.
Mathieu Lavarenne
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